Comment est vêtue la petite écolière au début du XXe s. à Carnières ?

Elle porte un tablier en satin noir brillant, dit « de laine», très enveloppant ; il se ferme sur le dos; devant et derrière, de larges plis « Watteau » descendent d’un empiècement; une ceinture fixée de chaque côté de la hanche, se noue en arrière en une superbe cocarde. Les manches longues se terminent par un haut poignet.

A cette époque, l’économie étant encore considérée comme une vertu, il n’était pas rare de voir les coudes rapiécés, les robes allongées, ravaudées, reprisées.

Il était d’ailleurs d’usage de raccommoder avec le plus grand soin linge de literie et vêtements. Bas, linges étaient « usés jusqu’à la corde»; on « étimait » les draps (1). Les draps usés étaient ensuite utilisés comme pansements ou transformés en charpie, après avoir été bouillis dans une lessive savonneuse.

Des femmes « raccommodeuses» étaient « louées» durant quelques journées ou demi-journées, à chaque saison, pour le ravaudage, le rapièçage, les menus arrangements. Leur salaire était peu élevé; certaines même se contentaient d’être nourries.

Plus tard, les fillettes porteront un tablier gai et pimpant, en cotonnade ou en toile ce Vichy à petits carreaux bleus, blancs, gris.

Les manches seront remplacées par de petits volants froncés servant d’épaulières. Lavés, empesés, bien repassés, ils sont un motif de coquetterie! Le dimanche, jour de repos, la mode est au tablier blanc agrémenté de broderies « anglaises ».

La robe entièrement cachée doit être protégée car elle se portera pendant plusieurs années. A cet effet, les mamans auront prévu, en la confectionnant, un large ouriet cans le bord inférieur et au-dessus plusieurs plis parallèles appelés « bondis que l’on découdra au fur et à mesure de la croissance de l’enfant.

L’unique poêle, en fonte noire, alimenté sans aucun coute, par du charbon de qualité inférieure du « tout-venant» ne permettait pas d’atteindre, dans la classe, uns température moyenne supérieure à 16°C ce qui explique, en partie, pourquoi les fillettes portent des sous-vêtements chauds : des pantalons ouverts, en molleton, jusqu’en dessous du genou et une « purette» (genre de combinaison resserrée à la taille). En hiver ou par temps de pluie, on se protège par un caban en épais tissu de
laine noir ou bleu foncé muni d’un grand capuchon. Par temps froid, on utilise une capeline en laine chenille et l’été, un chapeau de paille garni d’un coquet ruban.

Bras nus, pieds nus, jambes nues? Il n’en est pas question! Le « bronzage » serait très mal noté et d’ailleurs peu apprécié. A cette époque, la pâleur du teint est un critère de beauté classique.

Les hauts bas de laine noire, tricotés par la grand-mère sont maintenus au-dessus cu genou par une jarretière élastique (ce qui était déjà condamné par la Faculté).

La plupart des écolières se rendent à l’école en sabots de bois blanc teintés de noir et agrémentés de petites fleurs multicolores ou de rosaces claires. Ils sont jolis quand ils sont neufs mais ils font du bruit dans la classe lorsqu’on s’en débarrasse volontairement…

Espiègles, batailleuses… Mais oui, les écolières l’étaient déjà… il arrive qu’au cours d’une querelle, un sabot valse en l’air…

Les élèves mieux nanties sont chaussées de bottines en cuir, à lacets ou à boutons.

Mais puisqu’il faut prévoir aussi dans ce domaine, la maman achète des chaussures à pointure trop grande car les pieds s’allongent vite à cet âge. Pour les boutonner et surtout pour les déboutonner, on utilise un petit crochet en fer. Ces fameuses bottines n’étant pas réalisées en « cousu main», il arrive fréquemment que les pointes des clous dépassent la semelle intérieure et martyrisent le pauvre petit pied.

Plusieurs cordonniers sont réputés à Carnières :
Abel Houtrelle (rue Solvay)
Désiré Sauvenière (place de l’Eglise)
Henri Vas (place Verte) Noël Linard (place Communale)
Charles Marchand (rue Batreau)
Alphonse Brux Romain Coche, etc…

On répare les chaussures jusqu’à ce qu’elles rendent l’âme. On renouvelle, on renforce les semelles et même les « monseus» chaussent des bottines dont les empeignes sont recouvertes de pièces en peau collées ou cousues à même le cuir.

Pendant la guerre 1914-18, le cuir étant devenu rare et coûteux, les semelles de cuir furent parfois remplacées par des semelles en bois et même par des appliques d’aluminium léger (ce qui faisait penser à un fer à cheval).

Longtemps encore après la guerre, on continuera à consolider la semelle en la garnissant de petites appliques métalliques sur l’avant de la pointe et sur le talon.

Il n’empêche que quelle que soit l’époque, les enfants ne rateront jamais l’occasion de sauter d’une « flaque» à l’autre, après la pluie, lorsque la rue n’est pas parfaitement plane (ce qui malheureusement est souvent le cas cans notre entité) et l’hiver, d’organiser des glissades sur la route gelée.

Les fillettes ont les cheveux longs, peignés et nattés. A leur extrémité, les tresses sont serrées par un ruban satiné, sinon par un bout de cordon, voire un morceau de lacet (de bottine)! Le dimanche, les jours de ducasse, on étale la chevelure sur les épaules et on fixe un beau nœud ce ruban sur le haut de la tête! A l’occasion d’une cérémonie, la maman prépare consciencieusement des boucles en tire-bouchons (à l’exemple de notre première reine Marie-Louise) en enroulant, la veille, les mèches de cheveux mouillés de bière, additionnée de sucre, sur des bouts de cuir ou de métal appelés « bigoudis ».

Il y avait aussi les papillottes (cheveux enroulés autour d’un bout de papier).

Hélas! ces classes entières souffrent assez régulièrement « d’épidémies » de poux.

Leur multiplication est telle que lorsqu’une fillette a des poux, toute la classe est rapidement « contaminée», l’institutrice elle-même n’est pas épargnée! Les remèdes appliqués sont encore primitifs. Le DDT n’est pas connu. Cet état de choses engendre des discussions entre parents et maîtresse de classe ! Il faudrait isoler les « brebis pouilleuses»! Pauvre maîtresse, elle doit user de diplomatie. Quelle pagaille provoquent ces prolifiques et détestables bestioles.

En conclusion, nous pouvons affirmer que cet accoutrement qui peut paraître aujourd’hui un peu vieillot, n’empêchait pas la petite écolière, malgré les conditions de vie cures au début du siècle, de vivre pleinement sa vie d’enfant.


Lucienne HECQ. Vve D. ANNINO-CAVALIERATO.


(1) Etimer : en wallon, « stumer». Quand les draps étaient usés, on les coupait en deux, dans le sens de la longueur. On rabattait les bords extérieurs, à l’intérieur et on les réunissait par un sujet.

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