L’exposition actuelle sur le thème de la mine au Musée de la Haute Haine permet de découvrir une carte de 1853 éditée par l’Etablissement géographique de Bruxelles. Fondé en 1830 par Philippe Vandermaelen (1795-1869), un bruxellois, fils de médecin devenu commerçant, cet Etablissement acquit rapidement une notoriété considérable grâce à ses innombrables publications de cartes géographiques couvrant des domaines variés comme l’administration, la géologie, les chemins de fer, les charbonnages ou les industries. Des atlas à caractère scientifique furent également publiés.
Le volume et la richesse de cette production sont tels que la Bibliothèque Royale de Bruxelles possède un fonds exclusivement dédié à Philippe Vandermaelen et son Etablissement géographique.
La carte présentée lors de notre exposition nous permet de découvrir quelques fosses de notre village et des environs avec leur profondeur de l’époque.
Y sont également indiquées la platinerie de Monsieur Lorent, la sablonnière du Pairois, la cense de la Tour, la ferme du Beauregard et la tannerie le long du ruisseau de la Haye.
Mais c’est un autre genre de publication que nous vous présentons aujourd’hui : la description de notre village que l’on peut trouver dans le dictionnaire géographique de la province du Hainaut publié en 1833. Chaque village et ville y est décrit grâce aux renseignements obtenus auprès des administrations communales, des contrôleurs et des receveurs des contributions.
En voici la retranscription exacte avec l’orthographe originale ; le texte du dictionnaire est en italique et est suivi par nos commentaires et observations sur certaines affirmations parfois curieuses

CARNIERES, commune du canton et à 1 lieue 2/3 E.N.E. de Binche, de l’arrondissement et à 3 lieues ½ O. de Charleroy, et à 5 lieues ½ E. du chef-lieu de la province. Elle est bornée au N. par la commune de Piéton, à l’E. par celle d’Anderlues, au S. par le territoire de Mont-Sainte-Aldegonde, et à l’O. par celui de Chapelle-lez- Herlaimont.

Il existe plusieurs valeurs d’une lieue sous l’ancien régime et au début du 19eme siècle : lieue de Paris (3,898 km), lieue des Postes (4,288 km), etc.
La lieue utilisée à Carnières valait 3.446,17 mètres.
Le chef-lieu de la province est Mons.
E,N,S et O sont les abréviations de Est, Nord, Sud et Ouest.
La désignation des communes avoisinantes est assez curieuse car quiconque observe une carte de géographie conclura ceci: Piéton est à l’Est de Carnières, Anderlues et Mont-Sainte-Aldegonde au Sud, tandis qu’au Nord-Ouest se trouve Morlanwelz, Chapelle-lez-Herlaimont n’ayant qu’une petite frontière au Nord-Est de Carnières.

Cette commune se compose de son chef-lieu, situé sur l’ancienne route de Namur, à peu près au centre du territoire et de huit dépendances: Hairimont, Collarmont, Ravez, Pairois, Housse, Gade, Trieu et Waressaix.

Le terme chef-lieu doit être compris comme le centre du village, là où se trouve généralement la maison communale et l’église.

HYDROGRAPHIE : trois cours d’eau circulent sur le territoire; le plus important est la Haine, dans laquelle viennent se rendre les ruisseaux de la Tour de Hairimont et du Moulin-de-la-Haye; ce dernier prend sa source dans la commune. La Haine active une platinerie et un moulin à blé; les deux autres alimentent deux moulins, au moyen de réservoirs. Il y a un étang dont la superficie est d’un bonnier environ.

Le moulin à blé dont il est question ici est le moulin à s’corces (appellation d’origine de la fin du 18ème siècle) qui fut donc rapidement transformé en moulin à farine.
La fonction initiale de ce moulin était de broyer le brou des noix pour produire de la couleur brune employée dans la peinture du bois.
La platinerie est celle de Nicolas Joseph Lorent le long de la chaussée Brunehault.
Le moulin activé par le ruisseau de la Tour de Hairimont est celui de la famille Bughin à Waressaix tandis que celui du Moulin-de-la-Haye est situé à la limite de Carnières et d’Anderlues sur le territoire de cette dernière commune.
Le ruisseau appelé ici du Moulin-de-la-Haye est plus connu sous le nom du ruisseau de la Haye ou encore : La Haye.
La source de la Haine est renseignée par erreur sur Carnières, alors qu’elle se situe en réalité sur Anderlues.

SOL : terrain très déprimé, coupé par des collines dont la pente est roide sur le plus grand nombre de points, les parties inférieures sont sillonnées de ravins et de fon-drières. -Bassin houiller. Le terrain meuble consiste en argile et quartz arénacé, mêlés de rocaille. Le quartz arénacé y est en extraction. La profondeur de la couche végétale

AGRICULTURE : on récolte du froment, du méteil, du seigle, de l’escourgeon, de l’orge d’été, de l’avoine, des féveroles, des pois, du trèfle, du lin et du houblon.-Fourrages de bonne qualité, pour la consommation locale.-Les jardins fournissent aux habitants beaucoup de pommes de terre, des carottes, des betteraves, des choux, des pois et autres légumes.-Une assez grande quantité de pommes, de poires, de prunes et de cerises. Les vergers sont clos de haies vives. Il y a de beaux bois taillis et futaie qui couvrent près du quarantième de la superficie; l’essence du taillis se compose de charmes, coudriers et aunes. La futaie est peuplée de chênes, trembles et bouleaux. Le peuplier est l’espèce qui domine. On coupe les taillis tous les dix ans. Oseraies et aunaies. Le sol, quoique d’une qualité médiocre est bien cultivé; on l’exploite en grande, moyenne et petite tenue.-Assolement sexennal et quadriennal. On répand de la cendre de tourbe sur les trèfles. Il y avait, en 1830, cent deux chevaux, dix-neuf poulains, cent quatre-vingt-neuf bêtes à cornes, trente-et-un veaux, cent porcs et cent cinquante moutons.- Peu de gibier.-Laine, beurre et fromage en petite quantité.

La place importante prise par cette partie de la description de Carnières montre bien le caractère essentiellement rural du village à cette époque.
Notre pays est encore en 1833 auto-suffisant en matière alimentaire, ce qui n’est plus le cas en 2011 (pratiquement depuis le début du 20ème siècle).
Actuellement, notre nourriture dépend à 50% d’importations !
Quelques rappels sur les cultures mentionnées: les céréales sont citées en premier lieu : le froment (blé tendre), le seigle (qui peut être cultivé aussi pour produire de la paille), l’escourgeon (ou orge d’hiver) qui sert surtout à l’alimentation du bétail de même que l’avoine.
Les féveroles sont une variété de fêves utilisées dans l’alimentation du bétail. Quant au houblon, il est très répandu à Carnières : le cadastre de Popp (environ 1865) renseigne un nombre important de houblonnières.
On appelle méteil un mélange de céréales (souvent de blé et de seigle ou de froment et de seigle) à l’usage du bétail ou de l’homme.

POPULATION : mille neuf cent quarante-trois habitants. Il y a eu, en 1829, cinquante-sept naissances, trente-quatre décès et seize mariages. En 1831 : on y comptait mille neuf cent soixante-quinze habitans.

Les Feuillets Carnièrois de novembre 1976 (n°16) ont donné l’évolution du nombre d’habitants de Carnières entre 1802 et 1975, avec le chiffre cité pour 1831.
Cette année-là marque véritablement le début de l’accroissement de population le plus spectaculaire de l’histoire du village : on passe ainsi (à cause de l’industrialisation) de 1975 habitants en 1831 à 3107 habitants en 1855, 4197 habitants en 1866 et 7440 en 1901.

HABITATIONS : cette commune renferme cent cinquante-sept maisons, construites en briques, couvertes en paille, et disséminées pour la majeure partie. Il y a une église et une école primaire.

Que de différences avec 2011: on compte à présent près de 800 maisons, 6 écoles et 2 églises !

COMMERCE ET INDUSTRIE : les habitans de cette commune trouvent leurs principales moyens d’existence dans l’exploitation des houillères et dans les travaux de la clouterie.
Il y a une affinerie dans laquelle on confectionne du fer en barres et des socs de charrue, cing ouvriers y sont constamment occupés; soixante petites forges pour la clouterie qui emploient chacune cinq ouvriers ; une tannerie, trois moulins à blé dont un est mû par le vent.
-Un maréchal-ferrant, un coutelier, un vitrier, deux charrons, un bourrelier, un marchand de clous, deux marchands de bois, trois marchands de farine, deux marchands de houblon et un marchand de bétail.


Les houillères situées sur le territoire de Carnières sont à l’époque :
– le charbonnage du Placard, connu à l’époque sous le nom de Charbonnage de Carnières ; il est sur le point d’être vendu à Mariemont en 1833 ;
– le charbonnage de Saint-Eloi, qui sera lui aussi vendu à Mariemont beaucoup plus tard en 1885. Cependant, beaucoup d’autres fosses étaient situées à proximité de Carnières et devaient donc employer nombres de nos concitoyens, en particulier :
– le charbonnage du Bois des Vallées à Piéton dont la concession se trouvait en partie sous Carnières ;
– les fosses de la Société de Mariemont dans le bois voisin;
– celles de la Société de Bascoup sur Chapelle-lez-Herlaimont.
L’importance de la clouterie est perceptible de par le nombre de petites forges (60 !). Elles concernaient donc un grand nombre de familles pour qui cette activité artisanale constituait une source non négligeable de revenus, en particulier en hiver.
Une erreur dans ce chapitre : il n’existait pas de moulin à vent à Carnières.

ROUTES ET CHEMINS : l’ancienne route de Namur parcourt la commune du N. au S. On y compte huit chemins vicinaux bien entretenus et praticables en toutes saisons. – Un pont en pierre.

L’ancienne route de Namur dont il est question ici venait du lieu-dit Trois Arbres, suivait la rue Saint Eloi, la Place Communale et la rue Beauregard. Mais un autre chemin traversait Carnières qui lui aussi reliait Mons à Namur : il descendait la rue de la Gade, traversait la Haye, empruntait la rue de Collarmont et se dirigeait vers Piéton par le Bois des Vallées.
Il a d’ailleurs été distingué du premier en étant désigné comme Vieux Chemin de Namur.

HISTOIRE : Carnières est devenu célèbre dans l’histoire par la victoire qu’y rempor-tèrent, en 1170, Henri-l’Aveugle, comte de Namur et de Luxembourg, et Baudoin IV, comte de Hainaut sur Godefroid, duc de Lorraine.

A l’heure actuelle, aucun texte authentique ne permet de confirmer cette affirmation qui ressort donc plus de la légende que de la réalité historique.

André BIAUMET



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