La relation des découvertes historiques résultant des fouilles et des investigations, réalisées par les archéologues et les historiens, nous est communiquée régulièrement par des publications dans des revues spécialisées, par des conférences ou encore grâce à des expositions temporaires.

Parmi tous les domaines explorés, celui de l’Ecriture continue d’intéresser les chercheurs : certaines formes n’étant d’ailleurs pas encore déchiffrées à nos jours. De nombreux profanes même suivent avec attention ces recherches et se passionnent pour l’étude de la naissance et de l’évolution chronologique de l’écriture, depuis son invention, il y a plus de 3000 ans en des temps et des lieux différents du globe.

La connaissance de ce sujet ne se limite plus à évoquer les hiéroglyphes égyptiens et à citer Champollion (1790-1832) qui les déchiffra.

Tout le monde sait que de la plus ancienne forme connue, l’écriture pictographique, sans doute inventée par les Sumériens (Mésopotamie- (— 3300), on passa par la forme cunéiforme (- 2500), puis la forme hiéroglyphique en Egypte (- 1500), tandis que la Chine inventait son écriture propre qui évoluera en bien des aspects. On déchiffrera ensuite les tablettes d’Ougarit. Le bouleversement avec l’apparition de l’alphabet phénicien (- 1200) qui, par des transformations successives, donnera l’alphabet grec romain, puis latin nous conduira à notre alphabet actuel.

Dans cette chronologie panoramique, il ne faut pas négliger de tenir compte de la formation de l’alphabet sud-sémitique, de l’écriture en Indes, des écritures iranienne, copte, runique, de l’alphabet gothique, de l’écriture arménienne, arabo-musulmanne, de la caroline, de la japonaise, de la cyrillique, etc… nées à des époques différentes.

En suivant, en imagination, cette lente et longue évolution, dans l’art de la communication entre les êtres humains, grâce à l’utilisation de l’alphabet on ne peut s’empêcher d’évoquer l’apprentissage que chacun de nous a dû subir à une époque de sa vie, pour la plupart dans l’enfance, pour arriver à assimiler ce système graphique, c’est-à-dire à écrire.

Enfants de Carnières, nés au cours de la première décennie du siècle, c’est bien entendu à l’école primaire que nous y fûmes initiés. En effet, on fréquentait l’école pour y apprendre en principe, à lire, à écrire et à calculer.

Pour beaucoup de ceux qui s’en souviennent, l’apprentissage de l’écriture, à cette époque, n’a pas laissé un souvenir particulièrement agréable. Etait-ce la faute des maîtres ? Certainement pas. Vivant à une époque différente de la nôtre, maîtres et élèves se comportaient autrement qu’aujourd’hui. Les classes étant fort peuplées, on exigeait de l’instituteur une autorité et une discipline plus sévères envers les élèves, et dans la vie sociale, il était astreint à une tenue, un comportement personnel plus rigides.

L’écolier, d’autre part, manifestait plus d’assiduité et de goût pour l’étude, plus de respect envers son instituteur et d’obéissance à ses parents. Il n’était pas gavé, comme aujourd’hui, de jouets électroniques, télécommandés, vite abandonnés !

La fréquentation scolaire étant rendue obligatoire depuis 1914, la commune fournissait le matériel scolaire que le personnel enseignant répartissait équitablement entre les élèves. Il ne disposait pas du matériel audio-visuel sophistiqué dont nous sommes largement pourvus, mais d’objets plutôt rudimentaires.

Nous avons tous connu “l’ardoise” , ce rectangle de carton noir, ligné en rouge, au recto (lignes parallèles et équidistantes) pour le degré supérieur et des tracés plus compliqués limitant la hauteur des lettres, pour les débutants. La touche, ce bâtonnet gris, pointu à une extrémité, servait à écrire les textes.

Les garçons les effilaient à une extrémité, en les frottant sur un mur en brique et utilisaient carrément la salive pour nettoyer l’engin tandis que les filles se servaient d’un morceau d’éponge humide conservé soigneusement dans une boîte à bonbons de pharmacien. Quelques enfants privilégiés et enviés par leurs condisciples possédaient une vraie ardoise noire entourée d’un cadre en bois blanc, très agréable à l’usage mais cassable !

Economique ce matériel, mais peu pratique: que de devoirs effacés et de textes devenus illisibles par le frottement dans le cartable.

Le plus contraigant pour nous fut certes l’initiation à l’écriture à l’encre avec l’emploi de la plume en métal blanc, ou bronzé. Plusieurs marques existaient mais la plus répandue et probablement la plus appréciée en Belgique était la plume “ballon”.

Pendant des heures et des heures, on peinait, penché sur des cahiers lignés, différemment gradués suivant le degré d’étude pour y apprendre l’écriture dite anglaise imposée en ce temps-là.

On commençait par tracer, entre deux lignes parallèles, des traits rigides comme des bâtonnets, répétés, de petite, grande ou moyenne hauteur, puis venaient des pleins, des ovales, des déliés, des arrondis, etc… tout cela dans un cadre imposé. Que c’était ennuyeux !

On passait ensuite aux lettres, puis aux mots et enfin aux phrases. Les lettres, elles avaient presque une âme, certaines d’entre elles étaient sympathiques, d’autres détestées, que l’on n’est jamais, sans doute, parvenu à dessiner correctement d’après le modèle imposé et tracé sur le tableau noir. Pour corser la difficulté, une pente était imposée à cette écriture.

Après l’écriture ordinaire venait l’apprentissage des lettres majuscules, qui présentaient également des difficultés mais aussi un peu de fantaisie. Les véritables désagréments provenaient des plumes et de l’encre. Au début de ces temps scolaires, l’encre était encore préparée par le maître d’école dans de grands récipients en verre dans lesquels on diluait une poudre spéciale; plus tard, elle était fournie dans des cruchons en terre cuite et il remplissait, lui-même, les encriers en faïence blanche, enfoncés dans un trou conique dans la table du banc d’écolier.

On n’avait pas encore l’usage de la plume, ni du porte-plume à réservoir, il fallait donc recharger continuellement le porte-plume pendant les séances d’écriture. Il s’ensuivait des malheurs : bec de la plume fendu, plume encrassée, encre trop claire, trop pâteuse ou désséchée, etc…, enfants maladroits; taches sur la page, sur les mains, sur les vêtements… conséquences : on gomme, on gratte la page? Cela se termine par un trou; les vêtements, tabliers, pantalons n’étant pas en tissus lavables, taches indélébiles d’où cris, pleurs et souvent, à la maison, gifles, calottes, etc.

Cette initiation à l’écriture anglaise fut suivie par d’autres non moins rébarbatives, telles table de multiplication, dictées de mauvais souvenir, règles de grammaire dont conjugaisons, accord du participe passé, etc… Par contre, il y avait des compensations: lecture de récits, de contes, de poèmes, classes de chant et puis la confiance, l’affection très respectueuse pour notre ancien maître, notre ancienne institutrice, l’amitié inaltérable de certains compagnons, de quelques compagnes de classe.

Tout l’effort n’est jamais vain, dit-on, peut-être en apprenant à écire, avons-nous commencé à nous initier à vivre.

P.S. A l’examen de vieux et anciens carnets de notes et de comptes datant de cette époque, on remarque que l’écriture y est fine, serrée et lisible cependant. Les employés de comptabilité devaient certainement non seulement être aptes au calcul mental et rapide mais encore avoir une belle écriture !

L. Annino-Cavalierato
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