Les vieux os: un nouvel objet de collection

La Belgique connaît au moins deux collectionneurs de squelettes de dinosaures, selon l’Echo: Fernand Huts a acquis le squelette d’un tyrannosaurus rex pour près de 6 millions € et Marc Coucke, après un squelette de diplodocus et de stégosaure, a acheté un allosaure, long de 12 m. et vieux de 150 millions d’années. Compétition.

Mais le record pour un squelette de dinosaure pointe à plus de 44 millions de dollars aux enchères, un record qui ravit, on le suppose, le milliardaire américain Ken Griffin, heureux propriétaire de ce squelette du stégosaure. 

Devant un tel engouement et tant de millions, une question: que penseraient ceux qui, au charbonnage «Sainte-Barbe» de Bernissart, en 1878, à – 322 m., ont découvert les fameux Iguanodons. Ces fossiles, trouvés dans un argile noir, datent de 140 à 120 millions d’années; 29 bestioles qui côtoyaient crocodiles, tortues, salamandres, fragments d’insectes, plantes et excréments fossilisés, constituent un trésor paléontologique.

Charbonnage “Sainte-Barbe”, Bernissart. 1878.

Les mineurs croyaient avoir trouvé une route de la ruée vers l’or, en raison de scintillements dorés dus aux cristaux de pyrite. Mais elle s’avéra “une ruée vers l’os”, pour reprendre le mot du paléontologue wallon Pascal Godefroit, de l’ISNB.

Une déception qui ouvre sur une question: mais qui a donc réellement découvert les Iguanodons de Bernissart? La réponse est digne d’un roman policier.

L’équipe qui creuse la galerie et arrive dans une zone perturbée est composée de deux mineurs, Jules Créteur et Alphonse Blanchard. Nous sommes le 28 février 1878 et le porion Ballez l’identifie comme un «cran», un puits naturel.

Le lendemain, le Directeur de la mine Gustave Fagès et l’ingénieur Léon Latinis conviennent qu’il faut traverser le cran. Le travail prendra un mois. C’est là que le Directeur dira avoir trouvé un objet étrange que le Docteur Lhoir identifiera comme un os.

Université de Louvain contre Musée Royal des Sciences Naturelles

Devant tant de mystères, on consulte: Latinis, François-Joseph Cornet, géologue montois, qui se tourne vers Pierre-Joseph Van Beneden, professeur de paléontologie à l’Université de Louvain.

Fagès contacte l’ingénieur Principal des Mines, à Mons, qui alerte le Directeur du Musée Royal des Sciences Naturelles à Bruxelles, Edouard Dupont.

Ainsi, sans qu’on s’en avise, deux filières sont mises en œuvre: l’une, liée à l’Université de Louvain, l’autre, liée au MRSN. Elles s’étriperont dans une bataille d’égos et de publications, longue, perverse et féroce: Van Beneden en fait la première communication à l’Académie des Sciences, ce qui ne fait pas l’affaire de Dupont, d’autant que le Charbonnage a décidé de confier les fouilles au Musée.

Alors, le découvreur des iguanodons? Fagès, Latinis, Van Beneden? A Bernissart on n’a aucun doute: c’est Jules Créteur, un des mineurs. Il a une place à son nom, renvoyant toutes ces personnalités à la vacuité de leur hubris.

Les fouilles s’arrêteront en 1881, faute de budgets. Georges-Albert Boulenger sera chargé de l’étude au MRSN. On lui devra l’appellation: iguanodon bernissartensis, que Van Beneden lui volera, ultime vengeance.

En 1883, on présente le premier iguanodon au public.

A voir, à Bruxelles ou à… Bernissart

Les igouanodons de Bernissart sont aujourd’hui les pièces maîtresses de l’Institut des Sciences naturelles.. Un bâtiment dont l’histoire vaut elle-même le détour. Mais un iguanodon a retrouvé la terre de ses ancêtres, depuis peu, à Bernissart.

L’Académie Royale de Belgique annonce par ailleurs la publication à venir de

“les iguanodons de Bernissart. Des fossiles et des hommes”, par Pascal Godefroit, dont les recherches se sont concentrées sur la biodiversité des dinosaures ornithopodes d’Europe et d’Asie, ainsi que sur le plumage chez les dinosaures…

Bernard Chateau,


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