Il y a une trentaine d’années décédait René Marcq.

Aujourd’hui, René Marcq, c’est une rue, qui joint la rue Duvivier à la rue du Beau- regard.

Mais qui était donc ce Carniérois qui vit le jour au siècle dernier ?

René Marcq, après des études brillantes à l’Université Libre de Bruxelles, fort de son diplôme de Docteur en Droit, franchit les portes du Palais, comme on dit dans le jargon des avocats bruxellois, dans les premières années du siècle.

Son patron, comme on dit aussi dans le jargon judiciaire en parlant du maitre de stage des jeunes plaideurs, c’est Eugène Hanssens, jurisconsulte et homme d’Etat.

Bien vite, René Marcq devient le conseiller de tous les gouvernements et de la haute administration. Il avait pourtant débarqué à Bruxelles, jeune avocat provincial, sans relations ni fortune.

L’influence de René MarcQ dans l’évolution du droit est essentielle. Par la doctrine qu’li développe : il défend, en 1910, une thèse magistrale sur la « Responsabilité de la Puissance publique », dans laquelle il frappe à mort la théorie abusive de l’immunité de l’Etat. Par son enseignement aussi : en 1922, il succède, à l’Université Libre de Bruxelles, à Eugène Hanssens, à la chaire de droit civil.

Il atteint là déjà à un curriculum vitae dont plus d’un se satisferait légitimement.

Mais c’est mal connaître René Marcq. forme, à l’Art oratoire, les plus célèbres de la barre et de la politique : Henri Rolin, Paul-Henry Spaak… Bientôt ce sera son fils, Georges Marcq.

En 1936, il est élu bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour de Cassation.

En 1937, soucieux d’un meilleur fonctionnement de l’appareil de l’Etat, il devient l’animateur et le président du «Centre d’Etudes pour la Réforme de l’Etat», au sein duquel il peut compter sur le concours éclairé de Pierre Wigny. Le 10 mai 1940, quatre volumes avaient été, déjà, publiés.

10 mai 1940. Date tragique. La guerre, encore, succède à la paix. Même « drôle», la paix vaut toujours mieux que la guerre.

René Marcq avait été appelé, très vite, au sein du Conseil d’Administration de l’Université Libre de Bruxelles. En 1933, il en devenait le Président. Il avait donc le sort de l’Université entre les mains à la déclaration de guerre. « La pensée ne peut se sou-mettre… » Bientôt, cette évidence, qui fait l’Université, est bafouée par l’occupant, qui tente d’introduire, insidieusement d’abord, mais brutalement ensuite, au sein de son corps professoral, des partisans du régime national-socialiste.

En novembre 1941, René Marcq fait adopter par le Conseil d’Administration une mesure dont la gravité n’échappe pas à l’ennemi : la suspension de l’enseignement.
Alors, il prend avec ses collègues, dont le Procureur Cornil, le chemin de la forteresse de Huy, tandis que les étudiants sont accueillis, au-delà des divergences philosophiques, par l’Université de Louvain.

Libéré une première fois, il est emprisonné à nouveau tandis que son fils, incarcéré deux fois a la prison de Saint-Gilles, meurt dans le camp de Ellrich.

Libéré enfin, René Marcq prend une importance toute particulière dans le «gouvernement noir», comme disaient les nazis.

La fin de la guerre le trouve étranger aux réjouissances, bien évidemment. Affai-bli, affligé, il ne peut mener à bien, comme l’y invite le Gouvernement en 1945, la présidence de la Commission pour la réforme de l’enseignement.

7 décembre 1947 prend fin la vie exemplaire d’un Carniérois hors du commun. Mais ce Carniérois-là, après tout, c’était surtout un homme hors du commun…


Bernard CHATEAU.

BIBLIOGRAPHIE
ANSIAUX (Pierre), René Marcq, dans «Journal des Tribunaux», Bruxelles, n° 3748, pages 613 sq.

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