C’est le dimanche 24 juillet 2011 que le Professeur Robert Joly nous a quittés à plus de 89 ans.
Il avait souhaité des funérailles dans la plus stricte intimité familiale : ce n’est donc que quelques jours plus tard que, selon ses désirs, Madame Joly nous a informés de sa disparition.
Robert Joly a connu une existence toute entière consacrée à la poursuite de plusieurs idéaux politiques, philosophiques et pédagogiques qu’il est difficile de résumer en quelques lignes.
Puisse un jour quelqu’un lui consacrer une biographie fournie, tant le personnage le mérite.
En voici quelques éléments.

Son parcours scolaire: un sans faute

Robert Joly naquit à Carnières le 12 mai 1922 à la rue Royale d’un père ouvrier travaillant au laminage à froid de la localité et d’une mère au foyer. Il faut signaler que la maison familiale abritait une petite bibliothèque locale de l’Instruction Populaire.
Après l’école communale des Trieux, c’est vers l’Athénée du Centre à Mor-lanwelz qu’il fut dirigé.
Il y termina avec brio ses études, fin cependant bousculée par l’invasion allemande du 10 mai 1940.
En effet, avec d’autres jeunes gens, il dut fuir vers la France pour rejoindre un centre de recrutement de l’armée belge, mais après quelques semaines, il revint dans son village natal.

Bénéficiant d’une bourse d’études, il s’inscrivit à l’Université de Liège d’où il sortit en 1944 avec une licence de philologie classique.
Immédiatement, il entra dans l’enseignement auquel il resta fidèle jusqu’à la retraite. Il retourna d’abord à l’Athénée du Centre, comme surveillant pendant deux ans avant de devenir professeur de français, de latin, de culture grecque et de morale
L’Ecole Normale située également sur le plateau Warocqué l’accueillit également à l’occasion.
Entretemps, il mit ses loisirs à profit pour approfondir ses connaissances de la philosophie grecque, au point qu’il décrocha le titre de docteur avec une thèse de philosophie antique ayant comme sujet : « Le thème philosophique des genres de vie dans l’antiquité classique ».
Ce n’était là qu’un début, puisqu’en 1961, il obtint l’agrégation pour l’enseignement supérieur grâce à un travail sur « Le Régime », un des livres d’Hippocrate, le célèbre médecin grec de l’antiquité.

Un engagement politique militant sans ambition

Ouvrons ici une parenthèse pour rappeler un épisode important de la vie de Robert Joly, à savoir son engagement et sa carrière politique.
Dès la fin de la guerre, il s’engagea dans le Parti Socialiste Belge dont il fut président de la section locale de Carnières jusqu’en 1964.
Ce mandat fut agité car cette époque connut l’Affaire Royale en 1950 et la grève de l’hiver 60-61.
Cette dernière le vit chaque jour à la Maison du Peuple pour présider l’assemblée générale des grévistes, chargée de l’organisation pratique locale du mouvement.
Mais d’une façon générale, la direction de la section de Carnières du PSB n’était pas de tout repos car elle était très à gauche et souvent en conflit avec la ligne officielle du Parti.
Par-dessus le marché, le PSB de Carnières connut un schisme qui aboutit à la création d’une dissidence : l’Action Démocratique Carnièroise en 1964. Celle-ci disparut dans les années 70, non sans avoir donné du fil à retordre au PSB local de Robert Joly.
Une des conséquences majeures de la grève de 60-61 fut la création du Mouvement Populaire Wallon en 1961 dont Robert Joly prit la tête à Carnières. Ceci n’avait rien d’étonnant compte tenu de son engagement de militant wallon car il avait déjà fondé à Carnières encore une section de Wallonie libre qui sera englobée dans le MPW en 1961.
L’Encyclopédie du Mouvement wallon a d’ailleurs consacré un article bien fourni sur Robert Joly.
Un trait remarquable de sa personnalité est son absence d’ambition politique, ce qui eut comme conséquence un respect de la part aussi bien de ses amis que de ses ennemis de partis.

Vers de nouveaux défis.

Robert Joly
Robert Joly

En 1965, Robert Joly prit la décision d’abandonner le militantisme politique et de se consacrer entièrement à l’enseignement et à la recherche universitaire dans les domaines de la philosophie en général et des religions en particulier.
C’est là qu’il donna la pleine mesure de ses talents.
Tout d’abord, la nouvelle Université de Mons l’engagea pour donner le cours de philosophie grâce à son titre d’agrégé de l’enseignement supérieur : c’est jusqu’en 1987 qu’il y restera, atteint alors par la limite d’âge.

D’autre part et toujours à la même époque, l’Université Libre de Bruxelles créa l’Institut d’Histoire du Christianisme et ici aussi, Robert Joly fut appelé pour enseigner dans un premier temps la patristique, c.a.d l’étude des Pères de l’Eglise.
Il fut ensuite chargé de donner le cours de littérature néotestamentaire.
Il exerça cette charge jusqu’en 1992 et, de 1983 à 1986, il assuma même la présidence de cet Institut qui était devenu Institut de l’Histoire des Religions et de la Laïcité.
Mais comment Robert Joly, qui avait été enfant de chœur dans son enfance, en était-il arrivé à se consacrer à l’histoire du christianisme et de la laïcité? Il s’en expliqua en 1993 :

« Etant gamin, j’ai eu la foi-ma mère était croyante, pas mon père- mais je l’ai perdue à la suite d’une crise que j’ai vécue à l’âge de 13 ans. Il m’en est resté le goût d’approfondir les questions philosophiques : en effet, quand on perd la foi, on a l’impression qu’on a été floué, et on veut savoir pourquoi…C’est ce qui m’a orienté vers la pensée scientifique, le libre examen, l’histoire des idées en général et de la religion en particulier et du christianisme principalement. »

A l’occasion de sa retraite professionnelle, notre région lui consacra une journée d’hommage en 1993, le 6 mars, à l’Ecole Normale Provinciale Fernand Hotyat de Morlanwelz, journée organisée par les Maisons de la Laïcité de Morlanwelz et de La Louvière, par le Centre d’Action Laïque et l’Extension de l’ULB.

Durant toute sa carrière universitaire, Robert Joly ne cessera jamais d’étudier, de rechercher et de publier; citons entre autres :

– Propos pour mal pensants, 1961 ;

– Le pasteur d’Hermas, 1968 ;

– Le vocabulaire chrétien de l’amour est-il original ?, 1968 ;

– Christianisme et Philosophie. Etudes sur Justin et les apologistes grecs du lIème siècle, 1973 ;

– Le dossier d’Ignace d’Antioche, 1978 ;

– Origines et évolution de l’intolérance catholique, 1986 et 1996 (2ème édition) ;

– Glane de philosophie antique. Scripta minora, 1994.

En dehors de ses activités académiques, de ses recherches et publications, Robert Joly ne cessait de donner des conférences et de participer à des colloques et débats (en Belgique et à l’étranger), ce qu’il continua de faire après sa mise à la retraite du monde de l’enseignement.

De nombreux voyages touristico-culturels, en particulier sur le pourtour méditerranéen, complétèrent ses loisirs.

Sa curiosité insatiable et sa soif de lectures lui avaient procuré un bagage intellectuel remarquable qu’il aimait à diffuser grâce à un goût prononcé pour la pédagogie dont profitèrent des centaines d’étudiants et amateurs de connaissances.

On notera quelques conférences grand public comme : « Pourquoi je suis athée ? », « La parapsychologie, imposture ou illusion ? », « Pourquoi le christianisme a-t-il réussi ? », « Jésus, mythe ou réalité ?, », « Les promotions de la Sainte Vierge », etc.

Ses apparitions à la télévision furent également nombreuses et appréciées, surtout lorsqu’il s’agissait de débats contradictoires au cours desquels son esprit caustique, allié à ses connaissances profondes des sujets abordés faisaient merveilles.

C’est donc un homme d’envergure qui nous a quittés, nous laissant un héritage intellectuel et moral considérable. Merci Monsieur le professeur.

André BIAUMET

Références.

– Entretien avec Madame Joly le 8 août 2011.

– Article du journal le Soir par Françoise Zonemberg le 6 mars 1993.

– Biographie de l’Encyclopédie du Mouvement wallon.

– Entretien de Robert Joly avec Madame Claudine Lefèvre le 25 janvier 1993.

– Annonce du décès de Robert Joly dans Le Soir le 7 août 2011.

– Article de La Nouvelle Gazette par D. Donatiello le 22 avril 1988.

– Biographie de Robert Joly dans « Hommage à Robert Joly » lors du colloque consacré aux aspects de l’anticléricalisme du Moyen Age à nos jours. Editions de l’ULB. Juin 1988.





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