Né à Carnières, en 1924, Robert Vanderstockt était un très grand coureur cycliste.
Il est peut-être bon de commencer un article le concernant en publiant son palmarès ; les commentaires suivront.

AMATEUR

1948 1° de l’Etoile Wallonne ( en 6 étapes) 1° à Lucerne

INDEPENDANT

1949
Champion de Belgique
1° à Tamines
1° à Biévène
1° à Saint-Servais
1° à Wonck
2° de Buxelles-Lens
2° du Circuit de Hesbaye
2° de Liège-Fleurus
2° à Erquelinnes
3° du Circuit Disonais
3° de la 3° étape du Tour de Belgique
3° à Quaregnon

1950
3° de la Ronde Wallonne

PROFESSIONNEL

1950
1° du Tour du Doubs
2° à Itterbeek
2° à Braine-le-Comte
4° du Tour de la Sarre

1951
1° à Izegem
1° à Deerlijk
1° à Thon-Samson
2° du Tour de Hesbaye
2° à Westerlo
2° à Heusden
2° à Mere
3° du Tour du Doubs
3° du Circuit Escaut-Dendre-Lys
10° de Bruxelles-Couvin
19° de la Flèche Wallonne

1952
1° de la 1° étape du Tour de Belgique (33)
1° de Roubaix-Huy
1° à Tongres
2° du Championnat de Belgique
2° à Welle
2° à Lessines
2° à Mons (criterium)
3° du Tour du Luxembourg
2° de la l°étape B ( contre la montre)
3° de la 4° étape B (contre la montre)
3° de Buxelles-Saint-Trond
3° de la 5° étape du Tour de Belgique
3° des Deux Jours de Huy
7° de la Ronde Meuse-Hesbaye
10° du Grand Prix de Belgique ( contre la montre)
3° de la 5° étape du Tour de France
4° des 1° et 4° étapes du Tour de France
Abandon à la 8° étape du Tour de France

1953
1° du Tour de Luxembourg
1° des 2° et 4º (A) (contre la montre) étapes
2° des 1° et 3° (B) étapes
1° de la 1° étape du Tour de Belgique (abandon)
1° à Soignies
1° à Izegem
2° de la 8° étape du Tour de France (abandon à la 11° étape)
3° à Chapelle-lez-Herlaimont
5° de Liège-Bastogne-Liège
5° du Grand Prix de Monaco
6° du Week-End Ardennais
10° de la Flèche Wallonne
10° du Circuit du Limbourg
15° de Gand-Wevelgem

1954
2° à Esse-Saint-Liévin
2° à Bracquegnies
3° au Bizet
7° de Gênes-Nice
17° du Tour du Luxembourg
5° de la 3° étape B 24° du Championnat de Belgique

1955
3° de la Ronde de Monaco
3° du Grand Prix de Saint-Raphaël
5° du Grand Prix de Nice
76° du Giro.

Comme on l’a vu, Robert Vanderstockt est né à Carnières ( Collarmont) en 1924. C’est ce qu’on appelle un sportif dans l’âme, ayant toujours pratiqué un sport. Dès 8 ans, il est passionné de football et signe à 12 ans, une carte d’affiliation à l’Union Sportive du Centre, jouant à l’arrière ou au demi-aile.

Il fit partie du team junior, champion du Hainaut en 1941-1942.

Préférant jouer dans son village pour éviter les déplacements, il obtint en 1943, son transfert pour le Football Club de Carnières qui évoluait en Division II Provinciale.

Le terrain de Carnières n’était qu’un champ labouré et impraticable un dimanche sur deux. On y jouait pourtant et l’équipe de Robert Vanderstockt rentrait à la maison avec un équipement crotté. Madame Vanderstockt, la mère de Robert, lasse des sales lessives hebdomadaires ordonne à son fils d’abandonner le foot-ball.

Robert accepte et …se tourne vers le cyclisme !

Sa mère n’a pas fait le bon choix car la lessive des maillots cyclistes est au moins aussi abondante que celle des équipements de football !

Robert Vanderstockt a donc 22 ans lorsqu’il achète son premier vélo et décide de gagner sa vie sur une bicyclette.

La première épreuve de « débutant non licencié » à laquelle Robert participe, se situe à Bois-d’Haine en 1946. Trois hommes se détachent du groupe ; Vanderstockt est de ceux-là ! Hélàs, 10 tours avant la fin, son pneu arrière se dégonfle ! Il possède un boyau de rechange, répare et revient sur ses deux compagnons d’échappée, très surpris ! Il crève une 2° fois et n’a pas de quoi se dépanner car les boyaux sont chers à l’époque et les économies du futur champion très modestes. Heureusement, un spectateur ému et généreux lui prête son vélo, une grosse routière qui lui permet cependant de rejoindre encore ses deux compagnons de tête, médusés ! Il ne reste que 2 tours et Robert Vanderstockt savoure déjà sa première victoire, lors de sa première course ! Mais la sonnette de vélo se détache et roule sur la chaussée; comme c’est un vélo d’emprunt, Robert Vanderstockt s’arrête pour ramasser la sonnette, voyant la victoire s’envoler !

Cet épisode trace bien le caractère de Robert : peu chanceux mais honnête, doué d’un tempérament généreux et d’une volonté de fer, gentil et courageux. C’est un sportman accompli au moral comme au physique. Il veut arriver et pour cela, il faut une discipline de fer : pas d’alcool, pas de tabac ni de sorties prolongées !

En 1946, Robert Vander-stockt va participer à 26 courses en tout coureurs : 6 fois 1°, 5 fois 2°, 1 fois 3°, 1 fois 4°, 2 fois 5° etc… Il faut remarquer que le village de Carnières avait bien vite reconnu en Robert Vanderstockt un futur grand champion. En 1946 par exemple, il y eut à Carnières de nombreuses courses, tant au Centre qu’aux Trieux où quelques jeunes gens de la commune ont essayé leurs jarrets sur les chemins un peu trop défoncés du village ! Cette année, s’est constitué à Collarmont, un club de supporters : « La Pédale carniéroise » .

En 1947, il fait 21 courses : 8 fois 1°, 1 fois 2°, 3 fois 3°, 1 fois 4° etc …

C’est en 1948 qu’il devient amateur et participe à 48 courses où il fut 11 fois 1°, 7 fois 2°, 4 fois 3°, 2 fois 4°, 2 fois 5° etc..

En 1948, au cours de la 4° étape, Beaumont-Jemappe, de l’Etoile Wallonne, se produit un événement un peu particulier. Robert Vanderstockt est premier au classement général ; il est fier de porter le maillot de leader et prend quelques risques. Au carrefour des routes de Hornu et Saint-Ghislain, Robert roule une dizaine de mètres devant le peloton. Un spectateur imprudent traverse devant Robert qui vire brusquement et culbute. Il se blesse à la jambe et sa machine est brisée mais il est surtout furieux. Il se relève et va se venger en assénant un magistral direct au menton du responsable de l’accident. Celui-ci est knock-out ! Un agent de police intervient, mais Robert se débat et l’agent lui applique un solide coup de matraque sur la tête. Le choc est amorti par le casque et Robert Vanderstockt repart sur un vélo d’emprunt grâce aux organisateurs qui supplient l’agent de police de laisser au leader toutes ses chances de finir l’étape. De fait, Robert gagne la course mais il sera pourtant cité devant le tribunal de Mons pour coups et blessures. Robert Vanderstockt se défend habilement et il est acquitté. Le plaignant est blâmé pour son imprudence !

Cette année 1948 n’est pas la plus belle de la carrière cycliste de Robert Vanderstockt car il rate de peu une sélection pour les Jeux Olympiques ou les Championnats du monde.

Suite à la victoire à l’Etoile Wallonne, Robert Vanderstokt est désigné pour représenter la Belgique au critérium international de Lucerne. Il enlève l’épreuve, battant tous les concurrents, parmi lesquels le vainqueur des Jeux Olympiques et beaucoup de coureurs étrangers. Le mérite de cette victoire est d’autant plus grand que Vanderstockt s’est déplacé seul, sans soigneur ni conseiller !

En 1949, Robert Vanderstokt prend sa licence d’indépendant.

Il devient le champion de Belgique de 1949, au terme d’une course effective et spectaculaire à Genk. La commune de Carnières en a été tellement heureuse et fière qu’elle a organisé une réception officielle à l’Administration Communale en présence de M.Bougard, bourgmestre, René Ledoux, échevin et de nombreuses personnalités de la localité; il y sera à nouveau reçu suite à son succès au tour de Luxembourg, en 1953, ayant devancé le célèbre coureur suisse Ferdi Kubler dans la course contre la montre.

En 1950, Robert Vanderstockt devient professionnel. Comme en 1949, les succès s’amoncellent.

L’événement le plus important de sa carrière allait se produire durant le Tour de France 1952. Retenu dans la sélection nationale comme seul Wallon (Alex Close n’allait rejoindre l’équipe qu’en toute dernière minute, après plusieurs défections), grâce à ses performances aux Tours de Belgique et du Luxembourg, il abordait la Grande Boucle avec un moral du tonnerre. Figurant à 2 reprises dans un petit groupe de contre-attaquants, il se retrouvait à 3 ’40” du leader, le tricolore français Nello Lauredi, au départ de la 5° étape Roubaix-Namur qui traversait sa région natale.

Cette étape disputée sous une canicule tropicale, allait être dominée par une échappée au long cours dont allait émerger Bim Diederich. Parti à nouveau en poursuite avec le seul René Cotta calé dans sa roue. Vanderstockt allait compter jusqu’à 10′ d’avance sur un peloton écrasé par la chaleur. Les contreforts des Ardennes allaient toutefois favoriser la réaction de Fausto Coppi et de ses principaux vassaux. Le Campionissimo débordait le valeureux wallon en vue de la ligne tracée au sommet de la Citadelle de Namur. Le peloton avait suivi le mouvement et s’était dangereusement rapproché de Vanderstokt qui endossait le maillot jaune…pour quelques instants avant d’en être dépouillé par les mêmes officiels qui le lui avaient enfilé un peu plus tôt. Les chronométreurs avaient en effet révisé leurs comptes et en étaient arrivés à la conclusion que Lauredi gardait 1′ d’avance. Ce petit drame, qui allait profondément marquer Vanderstockt, aurait pu facilement être évité si Sylvère Maes avait averti son leader occasionnel des fluctuations de l’écart. En outre, les chronométreurs avaient généreusement gratifié Lauredi du même temps que les premiers de son peloton alors qu’il leur avait concédé une cinquantaine de mètres.

En 1952, c’est la drame ! La Presse sportive belge titre : « Une seconde qui coûte cher à Robert Vanderstockt ! Attaquant magnifique de tout le début du Tour, Vanderstockt a reçu à Namur, le maillot jaune. Las, il y avait erreur. Et faute d’une seconde, Robert doit enlever cet emblème triomphal qu’il avait pourtant mérité cent fois ! »

Tout cela n’empêcha pas Robert Vanderstockt de continuer à courir comme pro-fessionnel, à gagner des courses et cela, jusqu’en 1955, comme le montre bien son palmarès.

Mais en 1955, malgré une préparation à la Côte d’Azur, Robert n’a plus vraiment ni la santé ni le punch pour continuer le dur métier de coureur cycliste et il mettait un terme à sa carrière après le Giro.

Il allait entrer au service d’un de ses grands supporters, Victor Simon, important homme d’affaires de Carnières, en qualité d’homme de confiance. Il allait toutefois opter quelques années plus tard pour le métier de soudeur.

En 1987, cet homme modeste et bon racontera à Stéphane Steinier qu’il n’a rien conservé de ces années de gloire, si ce n’est quelques photos et des coupures de presse. « De jeunes coureurs sont souvent venus me demander, l’un une vareuse, l’autre un bidon, du petit matériel et quelques conseils ; je n’ai rien gardé pas même un vélo » dira-t-il.

CONCLUSION

Pour Robert Vanderstokt, se faire une place dans le cyclisme, comme dans n’importe quelle discipline sportive, ou même se faire une situation dans la vie nécessite :

Un don, bien sûr, mais aussi :

– le matériel nécessaire

– une bonne dose de courage

– un moral inattaquable

– une alimentation équilibrée

– et, surtout, une famille et un entourage qui montre sa confiance, partage les fruits récoltés, mais accepte de partager aussi les efforts et les sacrifices inévitable

Le champion est celui qui réunit toutes ces conditions.

Robert Vanderstockt était de ceux-là, les grands champions; car à cette époque on comptait de grands champions comme Pino CERAMI, Alex CLOSE, Fausto COPPI, Fred DEBRUYNE, Isi DERYCK, Charly GAUL,Raymond IMPANIS, Ferdi KUBLER, Stan OCKERS, Rik VANSTEENBERGEN, MARCEL SCHUEREN…

S’il était bien difficile de gagner une course lorsque notre Eddy national y participait, il était encore bien plus difficile de filtrer au travers de ce lot de champions souvent aidés par des « amitiés » du moment.

Robert avait des mauvais souvenirs mais des bons aussi.

Pendant le tour d’honneur qu’il accomplit après sa victoire au Criterium International de Lucerne en Suisse, une quantité insoupçonnable de drapeaux belges lui font une ovation d’autant plus émouvante qu’imprévue.

Tous les beaux voyages à l’étranger auxquels un fils de famille modeste ne pouvait pas penser en ces années d’après-guerre. Et bien d’autres encore…

Nous ne regretterons qu’une chose : ne pas pouvoir écrire encore plus sur ce grand homme que nous avons bien connu et que nous ne sommes pas sur le point d’oublier !

A.M. Marré-Muls





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