On connaît souvent le dicton wallon :

« A l’sinte Luce
in sôt d’ puce

ô Nowé
in tour dè clé

ô Nouvel an
in pas d’sergent

Ô Rwas on s’ d’apèrçwas

ô t’ chand’ lé
c’ta tout daley
(1)

Cette maxime concerne l’allongement des jours, visible dès le début janvier. On sait que les « Anciens » avaient souvent raison pour leurs sentences mais ici, il faut bien apporter une petite rectification.

Tout d’abord, que le terme de « sainte Luce» a souvent été confondu avec Missus qui désigne la messe de Missus ou messe d’or, dite le mercredi des Quatre-Temps avant la Noël, c’est-à-dire, le mercredi précédant le dimanche avant la Noël. L’Evangile de cette messe commence par « Missus Gabriel… »; en effet, on y raconte la visite de l’ange Gabriel à Marie qui lui annonce qu’elle sera mère (2). Pendant le Moyen Age et en fait, pendant tout l’Ancien régime, cette messe était accompagnée de festivités populaires.

Ensuite, prétendre qu’avant Noël, on assiste à un allongement des jours semble assez erroné. Car la fête de Noël a été fixée dès le 2 siècle après J.C. au 25 décembre, jour du culte du soleil chez les Romains mais aussi très proche du solstice d’hiver, le 21 décembre. C’est à partir de ce jour seulement que les jours s’allongent. Ce n’est pourtant qu’aux 3° et 4° siècles que la date du 25 décembre comme anniversaire de la naissance de Jésus s’est vraiment répandue.

Mais il est bon de se pencher sur la vie de sainte Luce, fêtée le 13 décembre.
« Née en Sicile, à Syracuse, ou à Raguse à la fin du 3° siècle, elle tomba en pâmoison parce que sa mère voulait la marier à un païen (elle venait d’adhérer au christianisme). Sitôt ses esprits retrouvés, elle légua tous ses biens aux pauvres, à la stupéfaction puis à la colère de son « fiancé » qui courut la dénoncer au préfet pascal comme sorcière et ennemie des dieux de l’Empire. Ledit préfet essaya d’abord d’user de persuasion pour soustraire la jeune fille à ses « songes et rêveries de chrétiens ». Rien n’y fit.
Passant à la manière forte, il voulut lui faire perdre sa chasteté en l’entraînant dans une maison de débauche. Malgré les efforts de ses gardes, on ne parvint pas à la faire bouger d’un pouce. De la poix enflammée ne l’émut pas davantage. Alors le préfet lui fit donner un coup de lance à travers la gorge, coup de lance qui l’expédia vers un monde que l’on assure meilleur. C’était, selon les chroniqueurs, un 13 décembre de l’an 304.

Revenons à notre dicton wallon.
La Sainte-Luce tombe le 13 décembre, soit une semaine avant le solstice d’hiver. Les jours continuent donc à diminuer pendant un certain laps de. temps.
Ceci montre que le célèbre dicton est antérieur à 1582, année de la réforme du calendrier par le papa Grégoire XIII.
Les dates étaient en avance de dix jours et le 13 décembre correspondait au 23.
La Sainte-Luce tombait alors bel et bien après le solstice d’hiver.

» Nos ancêtres avaient donc bien raison de dire « qu’à la Sainte-Luce, les jours s’accroissent du saut d’une puce ».

« Dans certaines régions, on se souvient de la martyre lorsqu’on souffre de maux de gorge, d’orgelets, d’hémorragies ou de maux de dents. On lui attribuait le pouvoir de faciliter les accouchements.
On la pria énormément contre tous les troubles visuels. Son nom, Luce, issu du latin lux évoquait la lumière… Cette explication satisfaisait pleinement les érudits.

Autre hypothèse : l’imagerie pieuse la montrait avec deux yeux sur la main; cette représentation découlait en droite ligne de la légende s’attachant à une tertiaire dominicaine, Lucie la Chaste, qui vécut au 15° siècle et fut l’héroïne d’une aventure horrible.

Harcelée par un jeune homme que son beau regard fascinait, elle répondit à ses avances en s’énucléant avec des ciseaux et en lui offrant ses yeux avec le plus gracieux sourire… » (3).

A.M. Marré-Muls


(1) Selon l’orthographe choisie par Lily Faes.
(2) Ne pas confondre cette visite de l’Ange Gabriel à Marie qui lui annonce qu’elle sera mère avec l’Annonciation (fêtée le 25 mars) où l’Ange Gabriel lui annonce qu’elle est enceinte
(3) Lire : Alain COLIGNON, Dictionnaire des saints et des cultes populaires de Wallonie. Histoire et folklore, Liège, 2003, p. 331-333.

Accueil » SAINTE LUCE…