C’est le 14 mai 1940 que nous apprenons par la radio nationale l’ordre donné aux jeunes hommes âgés de 16 à 35 ans de rejoindre Y pres. Ceci, afin de constituer une réserve pour l’Armée belge. Aussitôt, nous sommes six à quitter Carnières en vélo: André Buisseret, Théodore Wasterlain, Serge Saubain, Alphonse Descamps, Henri Hachez et moi-même.

Nous traversons Mons, déjà bombardée, et gagnons Jemappes où nous passons la nuit. Le lendemain, alors que nous roulons vers Antoing, nous apprenons que nous devons nous rendre en France. Nous passons la frontière à Wallers le 15 mai. Notre périple continue en empruntant les petites routes moins encombrées et surtout moins sujettes aux attaques aériennes.

Le 16 mais nous sommes à Fricourt, le 18 à Poux où durant la nuit, le terrain d’aviation anglais est sérieusement bombardé. Nous poursuivons par Buisset-le-Chatel, Bourgthéroulde. Partout, nous recevons excellent accueil. On nous offre des boissons et toujours logement. Nous sommes reçus au château de Massy chez Mr et Mme d’Aubiny.

Le voyage se déroule dans d’assez bonnes conditions excepté à proximité d’Albert où des avions allemands, attaquant en rase-motte le champ d’aviation, nous gratifient de quelques ratales sans, heureusement, blesser aucun d’entre nous !

Par Rouen, Caen, Villers bocage, nous arrivons à Granville où nous sommes reçus par la famille Robert, des parents d’André, où nous sommes autorisés à séjourner trois jours. Nous sommes le 24 mai. La gendarmerie française nous ordonne de gagner Le Mans où nous débarquons dans un train de réfugiés. Un long voyage commence. Nous continuons donc par Poitiers, Bordeaux, Toulouse, Béziers, Montpellier, Sete, Nimes et enfin Aubenas le 27 mai. Nous sommes loges au Centre Vital” où se trouvent aussi des jeunes français du Nord.

A Aubenas, deux anecdotes :
A la Messe des Belges, chaque mercredi, André et moi “tenions” les orgues de l’église St Laurent… en actionnant à force de bras, les soufflets de cet engin archaïque. Quelles belles tonalités nous obtenions !
On embauche à la Mairie pour nettoyer et désherber les allées du cimetière d’Aubenas et de Pont d’Aubenas; quelle aubaine pour nos porte-monnaies !

Le temps passe dans une certaine inquiétude sans nous permettre d’apprécier la beauté de la région… Jusqu’au jour où une lettre de ma mère nous parvient… rassurante, toutes nos familles sont en bonne santé, et le village n’a subi aucun dommage. Dès lors, nous sommes impatients de rentrer et comme aucun train n’est prévu, nous décidons de partir par nos propres moyens. Nous arrivons donc à Lyon le 12 août où nous sommes arrêtés et dirigés vers le Palais de la Foire transformé en centre de réfugiés. Français, Belges et même des Alsaciens expulsés de chez eux presque sans bagages. C’est le drame !

Mais la chance nous sourit. Nous acceptons de nettoyer des halls en prévision du logement de nouveaux arrivants. Nous sommes nourris par les cuisines de l’Armée. En récompense nous obtenons des certificats de rapatriement.

C’est formidable quand on pense qu’il y avait des milliers de personnes à rapatrier.

Le train quitte Lyon le 18 août au soir. Nous entrons en zone occupée à Moulins, et après un très long voyage (le train roule si lentement !), nous débarquons à Mons.

Par le tram, nous arrivons à Carnières en pleine forme dans la joie de tous. Tout se termine le 20 août 1940.


Roger MESSE

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