Il y a plus de trois quarts de siècle, c’était en 1946, Arthur Masson publiait « Toine dans la Tourmente ». Ce roman, qui n’est pas le meilleur, clôturait la « Toinade ». C’est ainsi qu’on appelle sa trilogie wallonne consacrée au « bienheureux Toine Culot, obèse ardennais », qui fut aussi « Maïeur de Trignolles ».
Cette saga, et toute l’œuvre d’Arthur Masson est faite de l’esprit wallon, c’est-à-dire notamment de convivialité et donc de bien manger et de bien boire.
Si bien qu’il y plusieurs années, l’Espace Arthur Masson à Treignes – à visiter ! – a consacré une exposition au sujet. Elle s’appelait « Comme chez Toine ! ».
On retrouve chez Masson tout un éventail de la cuisine wallonne, frugale sans doute, mais qui recrée une ambiance, une complicité et des souvenirs.
Fermez les yeux. Imaginez-vous dans la famille Culot. En entrant, vous êtes pris par les bonnes odeurs de cuisine. Phanie, la maman de Toine, surveille le poêle, et Toine soulève un couvercle et touille dans la casserole.

photo Nicolas Gras sur Unsplash
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Il s’embuait la face de la vapeur qui fusait du pot-au-feu et d’ordinaire silencieux durant les repas où il officiait avec une solennité lente, il aimait à en parler après, parfois bien longtemps après“.

Toine Culot, obèse ardennais

C’est dimanche. Et bientôt on va passer à table.

L’habitude n’est pas à l’apéritif. Mais aujourd’hui, on fera une exception.

Devant le comptoir, elle avait rencontré Mam’zelle Nœud d’amour, laquelle faisait emplette d’une bouteille de malaga…”

Toine Culot, Obèse Ardennais

Le repas commencera par un bouillon, riche de ses légumes, avec les yeux jaunes de la graisse laissée par la poule, meyeu quel bouyon d’onze eûres po crèvè à doze 

Gn’ avait du bouillon avec une poule de man Fine, mais j’en ai pris qu’un petit peu, parsqu’il était tout jaune et que je savais bien que c’était la laide vieille grosse poule que son derrière traînait quasiment à terre et ça me disgoustait.

Cayauval, gai village II

Tant qu’i gn’a dol bïre o pot, Djan Colinette n’è r’va nin co (*). C’est le moment d’enfiler une bière du pays, avant la suite

… enfin, ayant avalé une grande chope de bière d’un seul trait, le maïeur repose son verre sur la table d’un air heureux et l’on entendit un gargouillis dans sa bedaine.

Le Grand Gusse I

Photo de Annie Spratt sur Unsplash
Photo de Annie Spratt sur Unsplash

Mais on passe vite aux choses sérieuses

Le menu ? Pot-au-feu. Mais un pot au feu monumental. Il y entrait du bouilli, de l’os à moelle, de la poule. Avec ça, pommes de terre et tous les légumes possibles, le tout arrosé de bière demi-forte.

Les folles casquettes

Mais Toine i è-st-à s’ panse come on tchin d’baraquî

Il avisa, dans la marmite de bouillon, un gros os plein de moelle. Il ne put résister à la tentation gourmande. Il se coupa une large tranche de pain qu’il mit à rôtir sur le poêle.

Toine Culot, Obèse ardennais

Toine, vaut mia l’kèrdji qui d’l impli ! Mangez cinq fruits par jour qu’ils ne disaient pas encore. C’est bien sûr l’occasion, au dessert. Mais rien ne vaut un morceau de tarte ! Eyé In’ faut nin awè fwin po mougni on bokét d’taute, ô !

Elle s’offrit une orange et, sans le consulter, lui fit apporter un quartier de tarte aux abricots.

Le cantonnier opulent

Il a mètu tot au notaire Gozî et avec ça, un  café, ou deux. Le premier compte pour deux, c’est du « premier passé ».

Et la demi-heure qui avait suivi, devant l’inévitable tasse de café de l’amitié wallonne, avait été très animée.

Ulysse au volant

Et on termine, avant la sieste, par un Pèket d’Ardennes, el lacia dès vîyes djins

-Mossier, le péket, est-ce que c’est si nuisipe que ça ? – Monsieur, y gn’a mon grand popa Lesttin qu’a 78 ans. Y bois core tous les jours ses quate gouttes et y dit qu’y s’fout des jeunes pour travailler. – Mossieu, mon parrain Tchodure qu’a eu sa jambe cassée, y prétend que c’est le péket qui l’a refait. – Moi, Mossieu, quand ma moman berdelle, y gn’a mon opa qui saute dessus la bouteille

Photo de rawkkim sur Unsplash
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Le grand Gusse I

Au moment de finir cette promenade, une conclusion s’impose : on a bin réson d’ dire : ièsse goûrmand, ça est laid mins ça èst bon !

Bernard Chateau,

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