Après la mort de Louis XIV en 1715, la situation financière de la France était désastreuse, suite aux nombreuses guerres et constructions (restau-ration du palais et du jardin des Tuileries, embellissement du Louvre, travaux du château de Versailles etc..). John Law, financier, aventurier écossais intervient. En 1716 il fonde la Banque Générale qui allait remplacer l’or par du papier-monnaie, imprimant souvent plus de billets de banque qu’il n’y avait réellement d’or et d’argent ! Il crée aussi l’une des premières bourses du monde. En 1717, il constitue la Compagnie d’Occident, une Compagnie coloniale française qui succède à la Compagnie de la Louisiane. Grâce à son aide dans les finances il sera nommé surintendant des Finances de France !

Cette création monétaire allait permettre d’alléger la dette de l’Etat et relancer l’économie du pays. Il ne faut pas sous-estimer le commerce avec l’outre-mer dans lequel John Law s’engagea aussi.

La colonisation, entre autres en Louisiane, est encouragée et la population est sensibilisée par de grandes campagnes de propagande.

Dès le début du 18° siècle, la Louisiane accueille des cargaisons entières d’esclaves et de colons dans le but de mettre en valeur ses cultures. Parmi les premiers émigrés, il y eut malheureusement des mendiants, des vagabonds, voire des criminels.

En 1720, 137 engagés volontaires quittent le Hainaut, qui faisait alors partie des Pays-Bas autrichiens, pour le Nouveau Monde. Ils quittent leur famille et leur patrie pour entreprendre un exil à l’avenir incertain.

Le profil souhaité était que les colons soient alphabétisés, non recrutés parmi les plus pauvres et pourvus de compétences professionnelles.

Au 18e siècle, la Louisiane avait une double réputation :
– d’éden, grâce à un magnifique pays agricole
– d’enfer, à cause des colons, souvent des débauchés, brigands ou vagabonds.

On peut se demander pourquoi les hennuyers étaient aux Pays-Bas autrichiens, les plus nombreux à s’exiler en Louisiane : la réponse est simple… la langue ! 35 des 137 émigrés de 1720 viennent du Hainaut !

L’engagement se faisait par contrats de 6 ans, signés à Maubeuge par des aspirants colons souvent analphabètes; lorsqu’on lit les engagements, on constate que 65 sur 137 ont signé d’une croix. Au terme du contrat, les colons pouvaient rentrer dans leur région d’origine ou rester en Louisiane où ils recevaient alors une terre. L’engagement comprenait une prime et l’assurance d’être nourris.

L’engagement se faisait par contrats de 6 ans, signés à Maubeuge par des aspirants colons souvent analphabètes; lorsqu’on lit les engagements, on constate que 65 sur 137 ont signé d’une croix. Au terme du contrat, les colons pouvaient rentrer dans leur région d’origine ou rester en Louisiane où ils recevaient alors une terre. L’engagement comprenait une prime et l’assurance d’être nourris.

C’était souvent le bouche à oreille qui informait les futurs colons, vivant souvent une vie difficile avec la peur du lendemain, par manque de moyens. Ils espéraient un salaire fixe, des avantages matériels, une prime en argent à la fin du contrat ou une terre défrichée. On verra plus loin que ces rêves furent souvent ruinés…

Le voyage était long et difficile : il fallait d’abord rejoindre Lorient (cité portuaire de Bretagne) et s’embarquer sur un voilier pour naviguer de nombreuses semaines dans des conditions souvent précaires : inconfort des couchettes exigües, dans des dortoirs souvent sans hublots, promiscuité, maladies…Il fallait affronter vents et tempêtes et rencontres inopportunes de pirates et autres ennemis de la mer.

Après une escale à Saint-Domingue (en République dominicaine, dans les Caraibes), les colons de 1720 arrivèrent enfin, après 3 mois de voyage, à Biloxi, peuplée d’Amerindiens qui occupaient toute la région. Dès 1699, Pierre Le Moyne d’Iberville colonisa le lieu, pour la France. C’était alors une contrée aux eaux malsaines, avec beaucoup de marécages et un sol stérile.

Dès l’installation en ces lieux hostiles, il y eut beaucoup de décès, suite aux maladies, comme le scorbut par exemple. Il y avait beaucoup de moustiques et les émigrés arrivaient épuisés, manquant de soins et de logements.

De plus, les lieux sont souvent inondés. Ce n’est pas le bonheur espéré et plusieurs reviennent dans leur pays.

Certains vont rester, pour faire de cette région aux maigres ressources agricoles et forestières, un territoire fertile où beaucoup d’esclaves noirs viendront aider mais seulement s’ils sont achetés ou loués.

Parmi les 137 engagés, il y avait un Carniérois : Leclercq Pierre François, né à Carnières, le 16 janvier 1697, fils de Michel et Marie Anne Françoise Lepage, époux de Marie Deltenre dont une fille, Marie Cécile, baptisée à Carnières, le 26 janvier 1718.

Il s’engage le 6 novembre 1719, en signant d’une croix. Sa situation de famille n’est pas indiquée sur les listes d’engagement mais à l’embarque-ment, le 11 août 1720, il a une femme et deux enfants. En Louisiane, il exercera sa profession de maçon.

Son épouse décède, on ne sait quand et il se remarie le 23 juin 1727 à La Nouvelle-Orléans avec Marie Chagneau.

Hélas, en novembre 1729, les Indiens Natchez qui habitaient le territoire où les colons se sont installés, se révoltent et vont jusqu’au massacre, tuant 238 colons dont 36 femmes et 56 enfants, cruellement et avec rage. Nous passons sur les détails sordides de ce carnage. Pierre Leclercq y trouva la mort, tout comme son épouse. On est loin de l’idée d’une colonisation idyllique et de tout repos…

A.M.Marre-Muls

Référence bibliographique :
André HAUSSY, Du Hainaut au Mississipi, s.1., 1996

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