Voici quelques extraits qui relatent les débuts de l’apostolat des Pères Rédemptoristes au Congo de 1899 à 1920.

Dans ces extraits, on peut lire quelques notes relatives au passage du Rd. Père Dufonteny.

Ces notes ont été recueillies par le Père Jean Messe qui se trouve momentanément à Kibangu, une des premières missions du Père Georges Dufonteny.

Celui-ci était né à Carnières le 19 mai 1882. Il entre au noviciat de la congrégation des rédemptoristes à St Trond, et est ordonné prêtre en 1906 à Beauplateau. Il part en mission au Congo en 1907.

Le P. Dufonteny a résidé au début dans des missions créées pour s’occuper des travailleurs du rail : Matadi-Kinshasa, Kimpèse, Thisville, Mangu Tumba.

Le 7 juin 1909, le P. Dufonteny part de Nkolo vers le sud. Il avait préparé un équipement très complet : malle chapelle, cuisine portative, lit de camp, conserves, médicaments et beaucoup de petits objets qu’il voulait offrir en cadeau aux habitants des villages. Il avait 11 porteurs, chacun d’eux se chargeait d’environ 25 kgs. Il prit la direction du sud et arriva à Sangu ou le chef Kairingu avait donné ordre à ses gens de chasser tous les européens qui viendraient chez eux. Le P. Dufonteny fit savoir à Kairingu qu’il lui donnait 4 jours pour retirer son ordre et rassembler les chefs qui dépendaient de lui. Il se rendit au village de ce chef qui lui refusa le logement, mais, le P. Dufonteny se fabriqua lui même un gîte pour y passer la nuit. De sa voix tonitruante, il accusa Kairungu d’être “Un homme foncièrement mauvais”

Après bien des discussions il obtient ce qu’il veut, et il continue vers Gombe Sud et Mbanza Mbata (un peu à l’est de Kimpangu, à la frontière de l’Angola). Là aussi la population craint de recevoir le P. Dufonteny… “Si le père est venu pour voler nos enfants, nos femmes, nos champs et nos bois, les fétiches le mangeront”.

Mais, la situation s’aggrave, les vivres sont épuisés et il n’était pas habitué à la nourriture du pays. S’il ne voulait pas mourir de faim, il devait revenir le plus vite possible à Thysville.

A peine s’était-il mis en route que 5 porteurs furent frappés d’un mal mystérieux; le lendemain 4 autres et lui-même furent atteints du même mal. Vraisemblablement, tous avaient été empoisonnés. Le 13 juillet il écrit une lettre pour demander de l’aide au P. Allard. Le 18 juillet fut la journée vraiment critique pour le malade. Il sent sa fin prochaine et fit vœu à la Ste Vierge, de célébrer chaque année 3 messes en son honneur et de prêcher aux congolais sa gloire et sa puissance… A la suite de ce vœu il se sentit mieux, la fièvre tomba. Il éprouvait une grande faiblesse. Le lendemain il marcha une heure en direction de Thisville. Heureusement le Père Allard arrive. Ils repartent vers Thysville en passant par Semfu et Kisantu.

Le P. Dufonteny se rendit à l’hôpital de Kinhanda et le médecin le renvoya en Belgique pour y refaire sa santé.

Au cours de ce long voyage de six semaines, il avait conquis 50 nouveaux villages : 4000 catéchumènes s’étaient faits inscrire.

Il revint à Thysville en 1910.

A la Noël 1910, le père se trouvait à Nkolo et invita tous les chrétiens à venir prier au poste.

La chapelle était trop petite pour contenir ceux qui avaient répondu à son appel : 600 chrétiens et païens étaient venus et il distribua 200 communions.

Après la messe de minuit, personne ne voulut se reposer; tous restèrent assis autour de l’église en chantant des cantiques jusqu’à la messe de 7 h. Beaucoup de païens demandèrent d’être reçus au catéchuménat.

Si l’on compte ceux qu’il gagna encore au cours des visites de villages, le P. Dufonteny en inscrira 500 en cette fin de l’année 1910.

Le P. Dufonteny ne pouvait porter seul plus longtemps le fardeau de tout le travail exigé par un territoire aussi étendu, il avait d’ailleurs demandé lui-même qu’on lui adjoignit un second missionnaire. Au début de 1911, le R.P. Stainforth fut désigné par Thysville.

Le P. Dufonteny entreprit un voyage dans presque tous les villages et eut le bonheur de conquérir encore 12 villages de la chefferie de Ndembo et 6 de celle de Tadi.

En janvier 1912 le P. Dufonteny fut nommé à Tumba. Les supérieurs en profitèrent pour partager le large territoire où il avait exercé son apostolat. Thysville conserva les chefferies de Ndebo, Ntadi et Mbanga Nsundi; Nkolo et le reste passe à la mission de Tumba avec le P. Dufonteny lui-même. Celui-ci déplorait beaucoup ce nouveau partage; selon lui, on devait tout conserver en un seul ensemble afin de garantir l’uniformité de l’action.

La nouvelle situation ne fut pas heureuse, les chefferies dépendant de Thysville n’étaient visitées qu’en partie et d’une manière superficielle, leurs progrès religieux s’arrêtent sensiblement. Pour éviter une aggravation de cet état de choses, le P. Van de Steene, pendant la visite canonique extraordinaire de 1914, prit la décision que le P. Dufonteny retounerait à Thysville et qu’il s’occuperait, comme autrefois de toute la contrée.

Les années suivantes, le P. Dufonteny ne cessa de visiter les villages, seul ou en compagnie du P. Louis Philippart, ou de René Van de Steene. Il entreprit dans la brousse, des voyages de grand style, qui dureraient parfois six semaines à deux mois.

Le P. Dufonteny retourna en Europe en novembre 1916, et ses villages furent confiés à la station nouvellement fondée de Nkolo. Selon une décision expresse de ses supérieurs, il ne lui serait plus permis de travailler dans ces contrées.

Le Père Dufonteny fut une des figures les plus marquantes de la mission des Pères Rédemptoristes de Matadi.

Il s’embarqua pour le Congo peu après son ordination sacerdotale, à l’âge de 25 ans. Il s’était mis à l’œuvre avec beaucoup d’enthousiasme et d’ardeur juvénile. Dans une lettre écrite au P. Van de Steene, provincial, il se décrit tel qu’il était : “Je ne sais plus vivre que dans la brousse. J’ai trouvé mon idéal, et je ne me trouve nulle part ailleurs aussi près du ciel, que dans ma chère brousse. Voilà la vie qui me sourit, les rebuts, les dangers, la vie au grand air et la nuit dans les huttes infectes. Enfin, pour dire le mot, la vie vagabonde. Je ne sais comment, mais c’est la vie qui me parle le plus du Bon Dieu… Dans ces belles journées, les contractions, les souffrances ont un charme, mais Jésus et Marie me fortifient et malgré tout je ne perds rien de mes 90 kgs.”

Dans ses relations avec autrui, il était un peu exalté, comme dans cette lettre, et parfois un peu rude, à l’image de son physique. De sa voix forte et claironnante, il dominait la situation, non seulement dans les villages, mais, même parmi ses confrères. Il était intelligent et d’un jugement sain. Son large coup d’œil, lui permettait de voir les faiblesses et les méprises que présentaient, parfois, le travail apostoliqse, et il les digeat exactement. avec d’autres.

Quand il rentre en Europe en 1916, ses supérieurs le font partir au Vésinet, près de Paris, il accepte ensuite une paroisse en Bretagne jusqu’à la fin de la guerre 1914-1918.

A la fin de 1918, il repart au Congo pour un apostolat missionnaire. Il rentre en Belgique vers 1932. Le climat de notre pays ne lui valant rien il repart à Toulouse chez les Pères Rédemptoristes.

L’aumonier militaire français des troupes coloniales de Fréjus étant décédé, on lui propose le poste qu’il accepte. La fonction d’aumonier militaire est assimilée au grade de capitaine. Comme c’est le seul poste de prêtre rétribué par l’Etat et d’accord avec les autorités compétentes, il ne fait pas mention de sa nationalité belge, il est donc considéré comme citoyen français. Mais, Pétain ordonne le recensement des identités… Que va-t-il faire ? En accord avec son général, il se présente au recensement sans carte d’identité et à l’interrogatoire, lieu et date de naissance il déclare : “Carnières”!… L’employé préposé complète “Département du Nord”, la situation était sauvée. En effet, la mairie de Carnière, France avait été incendiée en 1914, ce qui rendait toute vérification impossible. On lui délivre donc une carte d’identité française.

Après la guerre de 1940, il retourne au couvent comme simple père, le pape lui confere la mission de visiteur apostolique des communautés religieuses.

Sa santé ne lui permettant plus les déplacements, il sera pendant quelques années aumonier de la communauté des frères Maristes à Saint-Quentin-Fallavier, dans le département de l’Isère. Il retournera dans le couvent des Pères Rédemptoristes à Toulouse où il décédera en novembre 1956.

Il est à noter aussi, que le Père Dufonteny, fut un des premiers à dénoncer le Kibanguisme.

Liliane FAES et Désiré PAUL
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