La Tour de l'Yser - Dixmude
La Tour de l’Yser – Dixmude

de Dixmude…

C’est traditionnellement le dernier dimanche d’août qu’a lieu le pèlerinage de l’Yser, à Dixmude, avec ses drapeaux jaune et noir, son Vlaamse Leeuw, ses roulements de tambours, ses jeunes néo-militarisés en short et ses discours flamingants enflammés.

…à Lasne

Mais on sait trop peu que les francophones ont failli avoir, eux aussi, leur pèlerinage. Au vrai, on peut même prétendre qu’ils l’eurent, un temps…

L'Aigle blessé, ou L'Aigle expirant, ou Monument des Français Source : Fonds Debuisson Documentation du musée d’Orsay
L’Aigle blessé, ou L’Aigle expirant, ou Monument des Français Source : Fonds Debuisson Documentation du musée d’Orsay

L’Aigle Blessé

“L’Aigle Blessé”, qu’on appelle aussi “l’Aigle expirant” ou le “Monument des Français”, se situe à l’emplacement du dernier carré de la Garde impériale, où le général Cambronne aurait prononcé ses mots célèbres.

Aujourd’hui, en bordure de la Nationale 5, en face de la Colonne Hugo, il a pour voisins deux anciens établissements très accueillants, plutôt en très piètre état, et qui n’auraient pas déplu à l’auteur des Misérables, dont on sait le goût pour ces plaisirs-là, que des dames avenantes dispensent sans s’effaroucher…

C’est l’un des nombreux monuments érigés sur tout le champ de la Bataille de Waterloo. Comme pour mettre tout le monde d’accord, il n’est ni sur Waterloo, l’usurpatrice de ces moments glorieux et tragiques, ni sur Braine l’Alleud, à la gloire confisquée, mais sur la commune de Lasne, au croisement du Chemin de Remyval et de la Chaussée de Charleroi.

AIgle blessé. Inauguration. source: wikimedias commons
AIgle blessé. Inauguration. source: wikimedias commons

C’est le premier monument qui célèbre la mémoire des combattants français de 1815. Au vrai, on n’y commémore pas une bataille, moins encore une défaite, mais le sacrifice des héros qui avaient donné leur vie pour la Patrie. On y lit :

« Aux Derniers Combattants de la Grande Armée
18 Juin 1815
»

1904: une inauguration plus politique que mémorielle

Une foule de plus de 100 000 spectateurs assistera, le 28 juin 1904, il y a tout juste 120 ans cette année, au dévoilement du monument dû à Jean-Léon Gérôme. Pour l’occasion, les chemins de fer délivreront 57.000 tickets depuis Bruxelles… Jamais autant de monde n’avait été réuni sur le champ de bataille depuis le 18 juin 1815. Dans l’entre-deux guerres, il sera le lieu de rassemblements populaires francophiles. Et, au mouvement wallon, ce que la Tour de l’Yser sera au mouvement flamand.

L'aigle blessé - inauguration. Source wikimedias commons
L’aigle blessé – inauguration source wikimedias commons

Mais l’histoire wallonne reste à écrire et le temps a passé sur la morne plaine et sur ces engouements. Mais retenez que l’Histoire ne s’y est pas arrêtée le 18 juin 1815 et un certain esprit a trouvé à s’y nourrir et à s’y exprimer, et vivement.

Cet élan, alors qu’il s’agissait tout de même d’une défaite française, s’inscrit dans ce paradoxe selon lequel le roman de cette bataille aura servi davantage la gloire de Napoléon, et de la France, que celle de Wellington, et de ses alliés. Napoléon, il est vrai, ne manqua pas de réécrire l’histoire à son avantage, et Victor Hugo y prit sa part. Nul doute qu’il aurait vu d’un bon oeil que cette “glorieuse défaite”, selon ses mots, soit une occasion d’un nouveau rapprochement entre la Belgique – ou une partie de la Belgique – et la France dans la nostalgie du décret du 14 fructidor an III par lequel la Convention nationale française adoptait une nouvelle division du territoire de la Belgique, du pays de Liège, et d’autres pays adjacents, en neuf départements : la Lys; l’Escaut; les Deux Nèthes; la Dyle – qui faisait Bruxelles et la province de Brabant; la Meuse intérieure; l’Ourthe, pour la province de Liège; Jemmapes, l’actuel Hainaut; Sambre et Meuse pour la province de Namur et enfin les Forêts, pour le Luxembourg. N’avait-il pas écrit qu’en Belgique “on est dans un pays français hier, étranger aujourd’hui, français demain“?

Bougival. La propriété du sculpteur et peintre JL Gérôme. Carte postale ancienne.
Bougival. La propriété du sculpteur et peintre JL Gérôme. Carte postale ancienne.

Pour en revenir à cette statue de Jean-Léon Gérôme, on ajoutera, chose étonnante, qu’on trouve cette même sculpture en bronze à Bougival. Nous sommes dans les Yvelines, non loin de Saint-Germain-en-Laye, à 12 km de Paris, sur la rive gauche de la Seine. Ce bout de terre d’Ile de France est davantage connue pour être un lieu de dilection des impressionnistes, ce qu’illustre le tableau de Renoir, « Danse à Bougival » . Mais dans le parc de la Mairie, cette oeuvre, aux antipodes de l’impressionnisme, et qu’on appelle-là « la chute de l’aigle » donne à lire les noms d’Austerlitz, d’Iéna, de Friedland et d’Eckmühl… Une réplique qui provient du parc de la propriété de l’artiste, quai Boissy d’Anglas, détruite en 1944 par l’explosion d’une péniche de munitions amarrée sur la Seine.

Bernard Chateau,

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