“Il faut bien changer l’attitude de son esprit et les voyages servent à cela”,

Victor Hugo dans une lettre à sa femme, le 11 août 1837.

Alors, après avoir visité la Normandie et la Bretagne, Victor Hugo se met à visiter la Belgique toute proche et si française à ses yeux, on le verra. Mais elle comptera bien plus qu’un prétexte à villégiatures dans la vie du grand poète, comme on le verra.

Retenez déjà qu’entre Victor Hugo et la Belgique, cela aura été une longue histoire. Une histoire longue, certes, mais aussi complexe.

Et je vous propose de feuilletonner cette rencontre, ces rencontres, tout au long de 21 épisodes, qui prendront au fil du temps divers aspects, plus variés qu’on ne pense.

Là, Victor se fait guide touristique.

Là, il se fait illustrateur de ses découvertes, avec ses encres et de ses gouaches, dans des camaïeux de sépias.

Là, il se pose en anthropologue, avec la volonté de percevoir  la spécificité « flamande ».

Là, il découvre la force mécanique, et l’histoire industrielle qui sera la nôtre.

Là, il se fait nostalgique d’une époque révolue. L’époque impériale.

Là, il se pose en défenseur des droits de l’homme, et combat la peine de mort.

Là, il ambitionne un plan pour l’Europe… et envisage un autre avenir à la Belgique…

Première partie : Hugo et les belges. Impressions.

Victor Hugo. Banc à Waterloo. Artiste: Michal
Victor Hugo. Banc à Waterloo. Artiste: Michal

Le 26 février 1852 à sa femme, il écrit: « Vrai, tous ces belges sont charmants. Moi, je les aime fort, ces bons belges ». L’a priori est donc plutôt positif. Mais cela ne le dispensera pas de quelques élans baudelairiens : dans la même lettre il ira d’un « les flamands ont l’air endormi toute l’année ». Le 18 août 1837 il était allé d’un : «  Je bois de la bière comme un flamand. La bière de Louvain a un arrière-goût douceâtre qui sent la souris crevée. » Mais le 22, il n’y tient plus : « Je ne m’accoutume pas non plus à ce qu’on boit ici. Rien de nauséabond comme ce faro et ce lambick ».

Et puisqu’il faut tout dire : « Si l’on me demande : avez-vous bu de la bonne bière dans votre voyage de Belgique ? Je répondrai : oui, en France. J’ai bu d’excellente bière en effet à l’hôtel Dessin, à Calais. En Belgique, toute leur bière, bière blanche de Louvain, bière brune de Bruxelles, a un arrière-goût odieux. Les Anglais la trouvent trop houblonnée. Va pour houblonnée, mais c’est mauvais. Quant à leur vin (aux Belges), il sent la violette. Il y entre plus d’iris que de raisin. C’étaient, en vérité, de détestables boissons. Je me réfugiais de l’une dans l’autre, mais, à tout prendre, j’aimais encore mieux de la bière blanche que du vin bleu ». 

Victor Hugo. Statue à Guenesey
Victor Hugo. Statue à Guenesey

Au cours de ses nombreux voyages en Belgique, Hugo utilise indistinctement le mot « flamands », qu’il confronte à celui d’ « espagnols », dont il perçoit les influences partout.

S’agit-il de « laisser parler les belges autour de <lui> ? » « J’admire comme ils parlent flamand en français. Ils ont un n’est-ce pas ? qu’ils mettent à toutes les sauces. Les femmes disent ce n’est-ce pas ? avec beaucoup de grâce. »

S’agit-il de lire le journal ? Las, à Gand, le 28 août 1837 : « j’ai voulu les lire, ce sont les journaux du cru, ils sont tout tapissés de vers néerlandais. C’est fort agréable à l’œil. On croirait des dessins de cailloux et de recailles dans une grotte rococo. La grotte, c’est le messager de Gand ».

Les femmes ? On sait que Victor Hugo n’y était pas insensible. Elles sont sales et voici pourquoi : « Quant à la propreté flamande, voici ce que c’est : toute la journée, toutes les habitantes, servantes et maîtresses, duègnes et jeunes filles, sont occupées à nettoyer les habitations. Or, à force de lessiver, de savonner, de fourbir, de brosser, de peigner, d’éponger, d’essuyer, de tripoliser, de curer et de récurer, il arrive que toute la crasse des choses lavées passe aux choses lavantes ; d’où il suit que la Belgique est le pays du monde où les maisons sont les plus propres et les femmes les plus sales ».

Victor Hugo. Colonne. Lasne
Victor Hugo. Colonne. Lasne

Il se laissera pourtant convaincre qu’ « elles sont décidément fort jolies en général. Mais il paraît que les plus belles sont celles de Bruges. Un stupide livre que j’ai acheté et qui s’intitule Le Guide du voyageur en Belgique et en Hollande appelle les femmes de Bruges les circassiennes de la Belgique ». Il avouera n’y avoir vu, déçu, aucune circassienne. Plus tard, passant par Namur, il sera sous le charme : les Namuroises lui « ont paru jolies et avenantes », tandis que « les hommes ont une bonne, grave et hospitalière physionomie.

Toujours est-il qu’entre 1837 et 1871, il aura séjourné en Belgique à quatorze reprises, pendant près de mille jours, et deux fois pour un exil qui se terminera chaque fois assez mal.

à suivre

Bernard Chateau

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