Arlon

Victor Hugo écrit à sa famille le 29 août 1862 que, étant arrivé à Arlon l’avant-veille à 5 heures du soir, « un quart d’heure après un orage d’instruments éclate dans la rue, elle se remplit de foule et de flambeaux, toutes les fenêtres d’en face et de partout s’ouvrent, on crie « Vive Victor Hugo! » Voilà ce qui m’est arrivé, dit-il, dans la ville d’Arlon, l’Orolaunum de l’histoire et l’Ara Lunae de la légende. J’aime mieux la légende ».

Arlon Palais de Justice
Arlon Palais de Justice

Mais que sont ces Orolaunum et autre Ara Lunae?

Pour ce qui est d’orolaunum, on aurait tort de se limiter à la marque d’un gin local, l’Orolaunum. En réalité, il s’agit d’une appellation romaine de la ville d’Arlon,  dans la province de Gallia Belgica. Le vicus Orlaunum est mentionné sur l’itinéraire d’Antonin (366,2) ainsi que sur une inscription lacunaire. Et vicus désignait alors un bourg, une petite bourgade. Le Musée Archéologique d’Arlon rassemble de nombreux témoins de la civilisation gallo-romaine découverts sur le territoire de la province de Luxembourg et autour d’Arlon, située au croisement de deux chaussées romaines d’importance (la Reims-Trèves et la Metz-Tongres) a en particulier connu une grande prospérité durant les premiers siècles de notre ère, à travers les échanges commerciaux avec les régions voisines et jusqu’en Méditerranée. 

Et ara lunae? Un « autel à la Lune » aurait selon la tradition locale, qu’Hugo qualifie de légende, donné son nom à la ville (Ara Lunae au lieu du véritable nom romain Orolaunum), ce qui n’a pas manqué d’alimenter d’érudites polémiques.

Tout cela fait qu’aujourd’hui, Arlon le dispute à Tournai d’agissant du statut de plus ancienne ville de Belgique – Tournai où nous avons commencé notre déambulation wallonne en compagne de Victor Hugo.

Mais ces mots de Victor Hugo attestent, s’il le fallait, que Victor aimait… qu’on aimât Hugo… et on le verra à plusieurs reprises, où il se plaît à décrire les emballements de la foule que sa présence suscite, comme les marques de dévotion individuelles dont on le gratifie.

Ainsi de ce jeune peintre qui l’accoste, à Bruxelles, alors qu’il déjeune « d’une tasse de chocolat, comme tous les jours au café des Mille Colonnes :
– Je suis peintre, monsieur, et je vous demande une grâce.
– Laquelle ?
– La permission de peindre, de votre chambre même, la vue de la Grande Place de Bruxelles et de vous offrir le tableau.
Et il ajouta :
– Il n’y a plus que deux noms dans le monde : Kossuth et Victor Hugo.
Tous les jours ce sont des scènes pareilles. Je vais être obligé, à cause de cela, de changer de café pour déjeuner. J’y fais foule et cela me gêne.
».

Oserait-on accueillir cet aveu embarrassé de… fausse humilité et de petit mensonge…

Mais voilà la transition toute trouvée pour continuer à suivre Hugo à travers la Belgique dans tous les sens, sans différences entre le nord et le sud, et d’abord à Bruxelles.

Non sans cette préalable précision-ci, qui vous sera utile autant qu’elle me l’a été, à moi : qui est donc ce Kossuth ? Qu’il vous suffise de retenir qu’il y à la Hongrie ce que Hugo représente pour la France, qu’il fut son contemporain, et comme lui politique, journaliste, exilé, porteur d’espoirs et de valeurs.

Un Prix porte son nom, une symphonie de Bartok itou, un buste l’immortalise et est installé au Capitole, puisque, exilé aux Etats-Unis, il y avait prononcé un discours remarqué. Il a encore une place à à son nom à Budapest et à Paris…

Si bien qu’aujourd’hui, et malgré tous ces témoignages à Kossuth, pour nous en tout cas, à suivre ce jeune peintre, il n’y a plus qu’un nom dans le monde : Hugo. Ce qui le ravirait, au prix d’une nouvelle dénégation timide et polie qu’il nous opposerait sans doute…

A suivre

Bernard Chateau

Accueil » Victor Hugo et la Belgique (10). Deuxième partie: Hugo visits Arlon