Mais Bruxelles fut aussi surtout, pour Victor Hugo, une terre d’exils et à deux reprises.
Nous sommes le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte est président de la République élu. Face à la Constitution républicaine de 1848 qui alimité la fonction présidentielle à un seul mandat de quatre ans, et la majorité requise pour réviser cette disposition n’ayant pu être réunie, il s’impose par la force, et proclame le Second empire.
Il musèle l’Assemblée nationale, qu’il occupe et la rue, qu’il réprime durement. Les arrestations sont nombreuses. La répression sanglante. La troupe fusille. Victor Hugo prend part à la résistance du côté d’une « poignée d’hommes et du droit », contre « une armée et le crime ». Ses fils ont été arrêtés. Sa tête est mise à prix.

Quand Jacques-Firmin Lanvin, « compositeur d’imprimerie à livres » arrive à Bruxelles, le 12 décembre au matin, c’est en réalité Victor Hugo qui débarque. Juliette Drouet a organisé son exfiltration, par train. Il s’installe 31, rue de la Violette, avant l’appartement de la Grand Place, au premier étage du 27. Juliette suivra, le lendemain, et s’installera galerie des Princes, 11bis passage Saint-Hubert.
Il est à Bruxelles, cœur battant de tous les bannis. Il incarne pour l’histoire la résistance face au despote, auquel un plébiscite a donné une fausse légitimité. L’exil qui commence durera 18 longues années.
Mais Victor Hugo ne le sait pas encore et surtout, il ne s’avoue pas battu. Il écrit en quelques semaines « Napoléon le Petit ».
« Je n’ai pas l’intention de faire un livre, je pousse un cri »,
écrivait-il alors.
La France presse le gouvernement de la jeune Belgique. Victor Hugo pressent qu’il doit quitter Bruxelles avant la sortie de son pamphlet, le plus éclatant de toute l’histoire. Surtout que c’est Pierre-Jules Hetzel qui le publiera, à Bruxelles, où il est lui-même exilé. Il « ne veut pas causer d’embarras par [sa] présence en Belgique ».
Et ce sera Anvers, et puis Londres, jusqu’à Jersey, le 5 août.
Mais au moment de s’embarquer, face aux français et aux libéraux belges qui sont venus saluer le poète, il répond par un discours qui dit beaucoup de sa détermination et de sa pensée universalistes:
Citoyens français et belges, en face, des tyrans, levons haut les nationalités; en présence de la démocratie, inclinons-les. La démocratie, c’est la grande patrie. République universelle, c’est patrie universelle. Au jour venu, contre les despotes, les nationalités et les patries devront pousser le cri de guerre; l’œuvre faite, l’unité, la sainte unité humaine déposera au front de toutes les nations le baiser de paix. Montons d’échelon en échelon, d’initiation en initiation, de douleur en douleur, de misère en misère, aux grandes formules. Que chaque degré franchi élargisse l’horizon. Il y a quelque chose qui est au-dessus de l’allemand, du belge, de l’italien, de l’anglais, du français, c’est le citoyen; il y a quelque chose qui est au-dessus du citoyen, c’est l’homme. La fin des nations, c’est l’unité, comme la fin des racines, c’est l’arbre, comme la fin des vents, c’est le ciel, comme la fin des fleuves, c’est la mer. Peuples! il n’y a qu’un peuple. Vive la République universelle !
A suivre,
Bernard Chateau,