Amnistié et pourtant en exil

1859. L’Empereur décide l’amnistie de tous les condamnés politiques. Victor Hugo ne se sent pas concerné. Il veut être fidèle à son engagement et écrit, le 18 août 1859: « Fidèle à l’engagement que j’ai pris vis à vis de ma conscience, je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je rentrerai. ». Il ne rentrera donc en France que le 5 septembre 1870, au lendemain de la proclamation de la Troisième République, après le débâcle de l’Empire face aux prussiens à Sedan et dix-neuf années d’exil.

Mais ce retour ne sera pas un long fleuve heureux, ni paisible…

Entre 1859 et 1870, Victor aura séjourné longuement à Bruxelles, se partageant entre entre la Capitale et Guernesey. C’est à partir de Bruxelles qu’il organise d’ailleurs des escapades touristiques, avec Juliette souvent, alors que sa famille se lasse de cet exil anglo-normand, qui se prolonge. Et puis, son fils Charles s’ est marié et installé à Bruxelles.

Alors, il s’installe lui-même d’abord rue de l’Astronomie, ensuite au 4, Place des Barricades.

Il écrit. Il rencontre ses éditeurs et négocie. Hetzel, mais aussi Lacroix et Verbroeckhoven. C’est eux qui éditeront les Misérables.

A Bruxelles, il est confronté à la mort, à deux reprises. Celle d’Adèle, sa femme, et de son premier petit-fils, le petit Georges en 1868. Il accompagnera leur convoi jusqu’à la frontière. Pas plus loin.

Deux naissances lui donneront toutefois l’occasion d’exercer l’art d’être grand-père : Georges et Jeanne viennent égayer le foyer de Charles.

Le banquet des Misérables

le sceau des éditeurs belges des Misérables, Lacroix, Verboeckhoven et Cie.
le sceau des éditeurs belges des Misérables, Lacroix, Verboeckhoven et Cie.

Mais on retiendra un événement tout particulier : le banquet que les éditeurs des Misérables organisent en l’honneur du grand homme, à l’occasion de la publication de l’œuvre, Lacroix et Verbroeckhoven. Il y a là 80 invités et Hugo est flanqué du Bourgmestre de Bruxelles Fontainas, et du Président de la Chambre, à la table d’honneur. Nous sommes le 16 septembre 1862.

Souvenirs du Banquet par Gustave Frédérix.
Souvenirs du Banquet par Gustave Frédérix.

Ont-ils l’intuition du succès planétaire de l’oeuvre. Il ne peuvent en tout cas imaginer les transpositions qu’elle connaîtra, au fur et à mesure de l’apparition des médias nouveaux: radio, cinéma, télévision, bande dessinée, manga…

En cela, il le disputera à Alexandre Dumas.

Le menu du « Banquet » dit peu du contenu des assiettes en raison de ses ambitions littéraires, parfois assez ridicules. Mais il dit assez pour douter de la légèreté de l’aventure, pantagruélique.

POTAGES

La soupe aux choux de Bruxelles – La bisque à la Luxembourg

HORS-D’ŒUVRES

Le buisson d’adjectifs assortis –  conserves d’antithèses de 1830 – La galantine de Cosette – Les pieds de Louis XVIII à la sauce Hugo

RELEVÉS

Le quartier de bœuf sans culotte – Les rougets panés au naturel

ENTRÉES

Les palais braisés à la jacobin – Le hachis de tirants à la marseillaise – Les oreilles d’aristos en capilotade – L’aspic à la démoc. soc. – La langue écorchée, sauce verte – Le tournedos au sens commun – Le canard aux droits de l’homme – Le vol-au-(Fauche-le)vent à la misérable

RÔTIS

Le gibier… de potence – Les rouges gorges à l’écarlate – Salade de romaine et de Pie sans lit

ENTREMETS

Les haricots javerts à la pauvre homme – La carotte à la popularité – La tartine à la liberté – Les Blancs-mangés à la fraternité – Les croquettes de Bagne au lait – Les pets de nonne à la Picpus.

SORBETS

Marius à la glace

DESSERT

Brioches – Boulettes – Petits fours – Madeleine Manqués – Raisins trop verts – Bombe à la Cambronne

VINS

Haute Gascogne – Pantin – Moulin-à-Vent – Constance (tourné)

LIQUEURS

Sueur du peuple – Larmes de faux exilé

Bientôt pourtant un événement va le fâcher avec la Belgique. Et marquera son retour en France, sans qu’il remette pourtant en cause son engagement.

A suivre

Bernard Chateau


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