
Pour Victor Hugo, il n’y a pas de doute; la Venise du Nord, c’est Gand. Il l’écrit ici : « C’est vraiment une belle ville; quatre rivières s’y rencontrent, l’Escaut, la Liève. la Moer et la Lys. C’est un réseau d’eau vive qui se noue et se dénoue à tout moment à travers les maisons et qui partage la ville en vingt-six îles; ce qui fait qu’avec ses barques, ses innombrables ponts, ses vieilles façades trempées dans l’eau, Gand est une espèce de Venise du Nord. »

Et il fait un sort particulier à Saint-Bavon, n’y tient pas et il attaque les clochers. « J’ai pris le temps de visiter Saint-Bavon et, bien entendu, je suis monte sur la tour. Pour moi, il y a deux façons de voir une ville, qui se complètent, l’une par l’autre : en détail d’abord, rue à rue, maison à maison; en masse, ensuite du haut des clochers. De cette manière on a dans l’esprit la face et le profil de la ville ».

Une fois n’est pas coutume, nous convoquerons un autre écrivain, Maurice Maeterlinck, pour évoquer la Cathédrale Saint-Bavon. L’écrivain belge de langue française et résolument francophile, né le 29 août 1862 à Gand, est le seul prix Nobel de Littérature à avoir été attribué à un Belge, en 1911. Il sera fait aussi et notamment Grand Officier de la Légion d’ Honneur et recevra le Prix de la langue française de l’Académie française.
« La cathédrale de Saint-Bavon [est] d’un gothique sévère et impressionnant comme un obscur secret murmuré par des anges résignés ».

Un peu d’histoire: la Chapelle Saint-Jean, qui date du XIII° siècle, est le point de départ de la plus imposante église gothique de Flandre qui acquit successivement le rang de Collégiale d’abord, de Cathédrale ensuite, au XVI° siècle. Intimement liée à l’histoire de la Ville, elle doit beaucoup à Charles-Quint.
Mais elle doit aussi sa renommée au fait qu’on y découvre « l’Agneau Mystique » (ou « Adoration de l’Agneau Mystique ») des frères Van Eyck.

Le retable, peint entre 1420 et 1432 par les frères Jan et Hubert Van Eyck, incarne sans doute à lui à seul le meilleur de la peinture primitive flamande et, dit-on, la plus belle peinture de la chrétienté. Il porte une date: le 6 mai 1432. Hubert van Eyck commença cette œuvre gigantesque; Jan, son frère, acheva cet ouvrage considérable. Ses 18 panneaux dépeignent des scènes bibliques et incluent les portraits de Joos Vijd, commanditaire des tableaux et marguillier, et de son épouse, Elisabeth Borluut.
Le polyptique fait partie de la liste établie en 1978 des sept merveilles de Belgique, inspirées des sept merveilles du monde antique, qu’avait voulu Arthur Haulot, Commissaire général au Tourisme pendant 32 ans et dès 1946, mais aussi écrivain, poète – et résistant et rescapé des camps. Il était convaincu que les conflits peuvent être évités si les peuples découvrent leurs différentes cultures. Et on voudrait tant lui donner raison… jusqu’à partager ce pari pascalien. Alors, pour la Belgique, l’Agneau mystique y côtoie les Fonts baptismaux de Saint-Barthélémy, la Châsse de Notre-Dame de Tournai, le Trésor d’Hugo d’Oignies, la « Chute d’Icare » de Bruegel, « La Descente de Croix » de Rubens et le reliquaire de Sainte-Ursule de Memling. Et cette liste témoigne de la spiritualité de son auteur, qui était par ailleurs franc-maçon.
L’oeuvre, qui est par ailleurs classée patrimoine mondial de l’UNESCO, s’est retrouvée au centre d’un véritable thriller, qui ajouta à sa renommée et parfait sa légende. En effet, dans la nuit du 10 au 11 avril 1934, deux panneaux de l’œuvre furent volés. Il y eut une demande de rançon et un véritable jeu de piste commença. Mais un seul panneau fut retrouvé. Les plus folles hypothèses courent encore sur le sort du second élément volé. Ironie de l’histoire, il s’agit du panneau représentant les « Juges intègres« , qui n’a toujours pas été retrouvé. Aussi, c’est une copie qui prend sa place depuis 1945, due au talent d’un copiste, spécialiste en primitifs flamands, Jef van der Veken. A propos, savez-vous que l’Agneau Mystique détient un triste record : celui d’être l’une des œuvres d’art les plus volées au monde, voire la plus volée? Depuis sa création, ce polyptyque a été volé pas moins de treize fois. Treize vols, qui sont autant d’histoires à raconter…
La troisième et dernière phase de restauration du retable de Gand a débuté le 3 mai 2023. Sept panneaux de la cathédrale seront remplacés lors de la restauration par des photos HD. Le suivi de la restauration est ici.
A suivre,
Bernard Chateau