« Le trajet de Menin à Ypres est fort agréable. Ce sont partout de ces gracieux petits enclos verts que les peintres flamands aiment tant. Et puis le chemin traverse un bois, et il est bordé çà et là de longues colonnades de ces beaux peupliers d’Italie dont l’écorce vous regarde passer avec de grands yeux. J’ai refait ce trajet au retour avec grand plaisir. Une route revue à l’envers, c’est presque une nouvelle route.

Ypres est une ville que j’aimerais habiter.

Ypres-3-Hotel-de-ville-httpswww.creativecommons.orglicensesby-nc-sa2.0frdeed.fr_-1
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On y trouve les maisons de bois mêlées aux maisons de brique. C’est une sorte de rencontre inattendue de la Flandre et de la Normandie ; l’hôtel-de-ville est une merveille. C’est un édifice gigantesque qui tiendrait tout un côté de la place Royale et qui n’est pas moins grand par le style que par la masse. Un charmant petit hôtel de la renaissance s’accoude gracieusement à ce sévère palais du treizième siècle. — L’église est fort belle, à étudier surtout. Elle est pleine de sculptures de la renaissance et j’y ai vu un St-Martin de Rubens qui est une chose prodigieuse.

Ypres, et ses maisons "remarquables"
Ypres, et ses maisons “remarquables”

Joins à cela cent maisons exquises dans la ville. Sur la façade de l’hôtel de la Châtellenie où j’ai déjeûné il y a sept figures en médaillons qui sont admirables et qui représentent avec les plus beaux traits humains du monde les sept astres observés au seizième siècle, Luna, Mercurius, Venus, Sol, Mars, Jupiter, Saturnus.
A Ypres, comme dans toute la Belgique au reste, les maisons sont datées. J’aime cette mode. Sur une vieille façade j’ai vu la date 1616 ainsi écrite. Cela m’a fait songer à l’année de la mort de Shakespeare. Shakespeare est mort cette année-là, 1616, le 23 avril. Ce jour-là est mort aussi Michel Cervantes. Coïncidence remarquable !

Mais on retiendra aussi qu’Ypres est pratiquement sur la frontière française, et permet de percevoir la réalité d’un pays flamand transfrontalier: Saint Omer la présente comme la “cousine belge“. Victor Hugo ne s’y trompe pas: ” C’est une sorte de rencontre inattendue de la Flandre et de la Normandie ” .

Aujourd’hui, cette rencontre fait le contenu des “plats pays“, un site se veut miroir de la culture, des arts, de la langue, de la culture, de l’histoire et de la société de Flandre, des Pays-Bas, de la France du Nord, en passant par la Belgique.

Ypres - Première guerre mondiale
Ypres – Première guerre mondiale

En ce 11 novembre, on ne peut citer cette ville sans évoquer le premier conflit mondial, et les Batailles d’Ypres, qui furent, tout au long du conflit, déclinées en première, deuxième, troisième, ou bataille de Passchendaele, quatrième ou bataille de la Lys et cinquième bataille. Ces batailles pour l’accès à la mer, avec la Bataille de l’Yser, jalonnèrent toute la guerre. Le bilan fut terrible: des dizaines de milliers de morts, belges, mais aussi français, britanniques et canadiens et la ville rasée.

On en retiendra encore deux choses, qui ajoutent au tragique: c’est à Ypres qu’on utilisa pour la première fois des armes chimiques – Ypres donna son nom à un gaz de combat, l’ypérite – et c’est à Ypres qu’on inaugura la couverture photographique des destructions des villes dans la guerre. La charge paraîtrait définitive contre la folie des hommes: manifestement elle est insuffisante pour l’arrêter.

A suivre

Bernard Chateau


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